Schizophrénie : une affaire de neurones ?


C’est en 1992 que l’association européenne contre les leucodystrophies est créée, à Metz. Elle a pour but d’informer et de financer la recherche sur un ensemble hétérogène de pathologies génétiques terribles, les leucodystrophies. Parrainée en 2000 par Zinedine Zidane, elle est aujourd’hui très active dans les activités de recherche et dans le développement de nouveaux traitements.

Les leucodystrophies sont des maladies génétiques qui affectent la myéline du système nerveux central (notre cerveau et notre moelle épinière), très importante dans la conduction des influx nerveux le long des axones, sortes de long câbles émanent des neurones. La myéline est produite par les oligodendrocytes, sortes de grandes cellules ramifiées qui enroulent leurs tentacules membranaires autour des axones. La myéline est donc composée d’une multitude de couches graisseuses dont le rôle est d’accélérer la vitesse de propagation des messages neuronaux au travers du système nerveux. Son altération, comme dans le cas des leucodystrophies, a un impact très important sur le fonctionnement cérébral, et donc sur la vie des enfants qui en souffrent.

L'association ELA (A) concerne un ensemble de pathologies, les leucodystrophies, au cours desquelles la myéline du système nerveux central (cerveau [1] et moelle épinière [3], B) est progressivement détruite. Deux principales cellules travaillent de concert avec les neurones (bleu, C) dans notre cerveau : les oligodendrocytes (en vert, C) et les astrocytes (rouge, C). Les oligodendrocytes (D) sont de grandes cellules qui déploient leurs long filaments autour des axones des neurones pour former la myéline. Le rôle de cette dernière est d'accélérer considérablement la vitesse de propagation des influx nerveux.

Les symptômes des leucodystrophies sont très variables, et dépendent de nombreux facteurs. On retrouve par exemple des symptômes psychotiques, qui appartiennent à la sphère psychiatrique, chez plus de 50 % des malades atteints de leucodystrophie métachromatique (un sous-type de leucodystrophie). La schizophrénie représente l’archétype du trouble psychotique. Elle regroupe un ensemble de symptômes, comme les hallucinations, les idées délirantes, la désorganisation de la pensée ou son appauvrissement, et ses origines sont encore aujourd’hui mal définies.

La schizophrénie est un trouble psychiatrique qui se décompose en 2 grands syndromes. D'une part, le syndrome positif (production de symptômes) regroupe les hallucinations (le plus souvent auditives), les idées délirantes (c'est-à-dire hors de la réalité) et la désorganisation (de la pensée, des émotions et des comportements qui ne sont plus cohérents). D''autre part, le syndrome négatif correspond basiquement à un appauvrissement de la vie psychique (des pensées, des émotions). On rajoute enfin des troubles cognitifs (réflexion, mémoire, planification...) qui sont très handicapants dans la vie quotidienne des patients.

Selon le modèle le plus répandu, la schizophrénie prend sa source dans le dysfonctionnement de certains neurones du cerveau, qui fonctionnent grâce à un neurotransmetteur bien particulier, la dopamine. Selon cette vue simpliste (mais qui a le mérite d’être facilement compréhensible), la schizophrénie résulte d’une dérégulation des neurones à dopamine de notre cerveau. Ainsi, la dopamine sera excédentaire dans certaines régions cérébrales, et déficitaire dans d’autres. Cette hypothèse dopaminergique est pertinente, et l’ensemble des traitements actuels reposent dessus : les antipsychotiques qu’on utilise chez les patients schizophrènes sont, pour simplifier, des bloqueurs de dopamine, et sont d’une redoutable efficacité sur les hallucinations et les idées délirantes.

Selon la théorie dopaminergique, la schizophrénie est essentiellement une pathologie « neuronale ». Il est donc surprenant d’observer des symptômes proches chez les patients atteints de leucodystrophie, une pathologie touchant exclusivement les oligodendrocytes et la myéline qui entoure les neurones. D’autant plus que les leucodystrophies ne sont pas les seules maladies de la myéline qui provoquent des symptômes psychotiques. Par exemple, de telles manifestations sont rapportées dans environs 20 % des cas d’oligodendrogliomes, des tumeurs cérébrales situés au niveau des faisceaux de myéline (qui forment au niveau macroscopique la « substance blanche »), mais aussi dans certains cas de lupus ou d’agénésie du corps calleux (l’un des principaux faisceaux de myéline, qui connecte nos deux hémisphères).

Ces observations mettent en lumière la composante « non-neuronale » des symptômes psychotiques et de la schizophrénie, dont une partie des manifestations semblent s’expliquer par des anomalies de la myéline.

De nombreuses études ont mis en évidence des anomalies de la substance blanche (et de la myéline qu’elle contient) chez les patients schizophrènes. De nombreuses études d’imagerie montrent que les faisceaux d’axone connectant le cortex préfrontal, siège de nos capacités cognitives complexes, ainsi que ceux connectant le cortex limbique (qui gère nos émotions, entre autre), fonctionnent moins bien. Ces anomalies sont corrélées avec de nombreux symptômes psychotiques, comme les hallucinations ou l’appauvrissement de la vie psychique (ce qu’on appelle les symptômes négatifs, et qu’on pourrait approximer par : moins d’envie, moins de pensée, moins d’émotion). Ces anomalies de la substance blanche à l’imagerie cérébrale sont particulièrement intéressantes, et pourraient avoir un intérêt pronostic, en particulier lors du premier épisode délirant et de l’entrée dans la schizophrénie.

Le cerveau peut être grossièrement divisé en 2 grandes composantes (A). D'une part, la substance grise (car elle apparait... grise à l'autopsie) concentre les corps des neurones, et d'autre part, la substance blanche regroupe les axones myélinisés des neurones (qui donne cet aspect blanchâtre). Les faisceaux d'axones de la substance blanche peuvent être étudiés en IRM et aboutir à de magnifiques images (B). Sur une vue médiane de cerveau (C), le cortex préfrontal se situe en avant, alors que le cortex limbique se situe juste au-dessus du corps calleux.

Ce que l’on observe à l’imagerie (une substance blanche altérée) repose sur des processus moléculaires et cellulaires de mieux en mieux compris, et les preuves impliquant les oligodendrocytes dans la schizophrénie s’accumulent. Plusieurs chercheurs ont retrouvé, à l’autopsie de patients schizophrènes, une raréfaction des oligodendrocytes au niveau du cortex, les oligodendrocytes restant étant anormaux. De plus, si de larges études génétiques ont identifié des gènes « neuronaux » dans les facteurs de risque de schizophrénie, elles ont aussi mis en évidence des gènes exprimés spécifiquement par les oligodendrocytes ou les cellules souches qui en sont à l’origine.

Une question de timing

Comme nous le disions plus haut, les leucodystrophies représentent un ensemble assez hétérogène de pathologies, qui ont des manifestations cliniques différentes. Ainsi, certaines maladies, comme l’adrénoleucodystrophie (ALD), ne sont que très rarement à l’origine de symptômes psychotiques, contrairement à la leucodystrophie métachromatique (LDM). Comment expliquer cette différence, alors que les deux pathologies affectent la myéline de manière similaire ?

Les lésions observées dans l’ALD et la LDM diffèrent en réalité très légèrement. Dans la LDM, ce sont les faisceaux de substance blanche émanant du cortex préfrontal qui sont particulièrement touchés, alors que ce sont les faisceaux plus postérieur, touchant par exemple le cortex occipital, qui sont principalement atteint dans l’ALD. Le site des lésions semble donc important dans l’expression des symptômes psychiatriques.

La LMD touche principalement les réseaux neuronaux antérieurs, ce qui peut engendrer des symptômes psychotiques. Au contraire, dans l'ALD, qui touche préférentiellement les réseaux postérieurs, les symptômes psychotiques sont plus rares.

Mais plus intrigant, de telles manifestations semblent encore plus dépendante du timing d’apparition de ces lésions. En effet, dans le cas de l’ALD tout comme la LDM, les symptômes observés changent en fonction de l’âge d’apparition de la maladie. Chez l’enfant, cela se traduira le plus souvent par un retard mental ou psychomoteur, alors que chez l’adulte, on observe le plus souvent un tableau de type démentiel (au sens médical, c’est-à-dire une détérioration des capacités intellectuelles, une diminution de l’autonomie…). Le risque de développer des symptômes psychotiques semble maximal lorsque la maladie débute à l’adolescence.

Le cerveau est une structure dynamique, très immature à la naissance d’un nouveau-né, et qui est le siège de profonds remaniements au cours des 30 premières années de vie. Cette immaturité est particulièrement importante car c’est elle qui rend le cerveau humain si malléable et influençable, pour le meilleur comme pour le pire. Pendant les premières années de vie, on observe ainsi une création massive de synapses, les connexions entre neurones et la mise en place progressive de la myéline autour des axones – un processus appelé myélinisation.

Schéma de la maturation cérébrale au cours de la vie (A). Les trais verticaux délimitent l'enfance de l'adolescence et l'âge adulte.
La partie (B) du schéma indique la maturation au niveau des synapses, dont la densité augmente fortement au cours de la vie fœtale et lors des premières années de vie (B1). Ainsi, un enfant possède beaucoup plus de synapses qu'un adulte ! C'est au cours de l'adolescence qu'aura lieu un processus capital dans la maturation du cerveau, l'élagage synaptique, qui consiste en la suppression des synapses excédentaires et inutiles (B2).
La partie (C) du schéma indique la maturation de la myéline. Le processus de myélinisation (c'est-à-dire de formation de la myéline) est un phénomène plutôt continu, qui progresse tout en long de l'enfance (C1) et qui s'achève vers 25 ans (C2).  

Au cours du développement cérébral, l’adolescence correspond à une période particulièrement à risque. Le cerveau adolescent est en effet très malléable et donc très sensible aux influences extérieures -que ce soit des traumatismes, du cannabis, ou une pathologie cérébrale. Une perturbation de la maturation cérébrale au cours de ces périodes critiques du développement ont un impact bien plus important et durable, en comparaison à une lésion similaire qui surviendrait à l’âge adulte.

C’est comme cela qu’il faut comprendre les différences symptomatiques entre leucodystrophies, dont nous parlions plus haut. Lorsqu’elle touche les réseaux préfrontaux, au cours d’une période d’intense maturation cérébrale, la leucodystrophie modifie profondément le processus de myélinisation. Cela aboutit à la mise en place de circuits pathologiques qui peuvent être à l’origine de symptômes psychotiques.

Le timing de survenue des lésions de la substance blanche explique très bien la rareté des symptômes psychotiques dans la sclérose en plaque, une pathologie grave qui entraîne la destruction de la myéline chez l’adulte. Cette destruction est intermittente et localisée, et bien souvent les lésions ne sont pas assez étendues pour désorganiser suffisamment les réseaux neuronaux et aboutir à des symptômes psychotiques. Mais surtout, La sclérose en plaque débute rarement chez l’adolescent, et touche donc le plus souvent les adultes, dont les réseaux neuronaux et la myéline sont bien en place, et ont pu achever tranquillement leur maturation.

C’est en perturbant sa mise en place, et non en détruisant la myéline déjà formée, qu’on aboutit le plus souvent à des symptômes psychotiques.

L’adolescence n’est pas la seule période critique du développement cérébral. La mise en place du cerveau chez le fœtus au cours de la vie intra-utérine est elle aussi particulièrement à risque. Nous avons déjà vu dans un précédent article qu’une infection au cours de la grossesse constituait un facteur de risque de développer, plus tard une schizophrénie. Ce risque en lui-même est bien sûr faible, mais il peut devenir significatif chez un bébé porteur de facteurs de risque génétiques et qui fumera, au cours de son adolescence, du cannabis -par exemple. La schizophrénie n’a jamais une origine unique. Il s’agit d’un trouble multifactoriel, c’est donc l’accumulation des facteurs de risque qui provoquera son apparition.

Une inflammation du cerveau fœtal au cours de la grossesse, via une infection maternelle, pourrait être à l’origine des anomalies de myéline que l’on observe plus tard. En effet, lors d’une telle inflammation, des cellules spécifiques du cerveau s’activent, intégrées sous le terme générique de microglie.

Cette microglie a un rôle capital dans la défense du cerveau contre les micro-organismes, mais aussi dans la maturation de celui-ci. Au niveau des neurones, c’est elle qui est capable de détruire les synapses inutiles. Une hyper-activation de la microglie pourrait donc aboutir à une perte anormale de synapses, que l’on observe par ailleurs dans le cerveau schizophrène. Mais plusieurs études ont montré que les cellules microgliales ont aussi un effet important sur les oligodendrocytes, et plus particulièrement les cellules souches qui en seront à l’origine. Les cellules microgliales sont capables d’inhiber la maturation de ces dernières, qui ne peuvent donc former que des oligodendrocytes immatures et peut efficaces dans leur travail de myélinisation du système nerveux.

Ainsi donc, de la même façon qu’à l’adolescence, la perturbation de la myélinisation au cours de la vie fœtale entraînerait l’apparition des anomalies de la substance blanche retrouvées dans la schizophrénie.

Mais la perturbation de la maturation des cellules souches fœtales n’intéresse pas seulement les futurs oligodendrocytes. Il existe dans notre cerveau d’autres cellules, appelées astrocytes du fait de leur aspect étoilé, qui proviennent des mêmes cellules souches et dont le rôle au sein de notre cerveau est essentiel.

Les astrocytes ont longtemps été cantonnés au rôle (réducteur) de soutient métabolique des neurones. Ces derniers ont en effet de lourds besoins en glucose et oxygène pour pouvoir fonctionner efficacement. Ces éléments leur sont apporté par les astrocytes, qui sont à l’interface de la circulation sanguine et des neurones. Mais leur action va en réalité beaucoup plus loin. Ils sont particulièrement impliqués dans la mise en place et le bon fonctionnement des synapses. C’est eux par exemple qui sont chargés de nettoyer la synapse après que le neurone ait vomit tout son glutamate, le principal neurotransmetteur excitateur du cerveau. C’est eux aussi qui régulent l’environnement extérieur du neurone. La transmission des influx nerveux reposant sur des flux ioniques (sodium, potassium) à travers la membrane du neurone, il faut bien quelqu’un pour entretenir les gradients de part et d’autre, sans quoi ils s’annuleraient progressivement et aucun influx nerveux ne pourrait circuler. C’est dire l’importance des astrocytes dans le fonctionnement de notre cerveau, et en particulier de nos neurones !

Les astrocytes sont des cellules étoilées (A) capitales au bon fonctionnement cérébral. Ils se trouvent à l'interface des neurones et de la circulation sanguine (B), et permettent l'approvisionnement des neurones en nutriments et oxygène. Mais leur rôle va bien au-delà. Ils sont par exemple très important dans le bon fonctionnement des synapses glutamatergiques (C), car ils sont capables de capter et de recycler le glutamate sécrété par les neurones.

Rappelez-vous de ce que nous disions au début de cet article : la schizophrénie est un trouble principalement neuronal. Mais les neurones ne fonctionnement pas de façon indépendante. Ils ont besoin de cellules de soutient, comme des astrocytes. Une altération du fonctionnement de ces derniers peut avoir un retentissement significatif sur l’activité neuronale. Plusieurs études portant sur la schizophrénie ont d’ailleurs mis en évidence des anomalies au niveau des astrocytes corticaux.

Les anomalies astrocytaires sont concordantes avec certaines anomalies neuronales. Par exemple, le glutamate, un neurotransmetteur impliqué dans la schizophrénie, est en partie régulé par les astrocytes, tout comme le potassium, dont la dérégulation pourrait être à l’origine de certains troubles du sommeil, souvent rencontrés par les patients schizophrènes. Enfin, le rôle des astrocytes apparaît essentiel au bon développement des capacités cognitives d’un individu. Ces dernières sont souvent altérées chez les personnes souffrant de schizophrénie.

Il ne s’agit que de preuves indirectes, mais qui ont permis à des scientifiques de formuler une hypothèse cohérente du rôle des astrocytes, oligodendrocytes et microglie dans la genèse de la schizophrénie. Selon eux, l’activation excessive de la microglie au cours du développement cérébral, et en particulier pendant la vie fœtale, perturberait la maturation des oligodendrocytes et des astrocytes, aboutissant à un défaut de myélinisation et une mise en place aberrante des synapses. Ces perturbations seraient responsables d’un défaut de connectivité cérébrale et d’une asynchronie des différentes aires corticales, à l’origine des symptômes psychotiques comme les hallucinations et les idées délirantes.

Un cerveau isolé

Mais les anomalies non-neuronales de la schizophrénie ne s’arrêtent pas là. Les astrocytes, outre leur rôle de soutient métabolique des neurones et leur action déterminante dans le bon fonctionnement des synapses, font partie d’une structure essentielle au bon fonctionnement cérébral : la barrière hémato-encéphalique.

Le cerveau est très isolé du reste de l’organisme, qui peut être, via la circulation sanguine, vecteur de nombreux dangers sous forme de virus, bactéries ou autres métabolites. La barrière hémato-encéphalique a un rôle de filtre, très performant, capable à la fois de laisser passer les nutriments essentiels au fonctionnement cérébral, tout en limitant l’accès des substances potentiellement nocives.

La barrière hémato-encéphalique (trait vert) sépare de façon hermétique (ou presque) le cerveau de la circulation sanguine. Elle est composée de la paroi des vaisseaux sanguins (cellules endothéliales, en jaune ; péricytes, en rouge) et des astrocytes (en bleu).

De nombreux travaux renforcent l’hypothèse d’une effraction de la barrière hémato-encéphalique dans la schizophrénie. Certaines études montrent par exemple une concentration anormalement élevée d’albumine dans le cerveau de ces patients, alors qu’il s’agit normalement d’une molécule sanguine incapable d’y pénétrer. D’autres études montrent un mécanisme inverse : la protéine S100B, sécrétée uniquement par les astrocytes et les oligodendrocytes du cerveau, était retrouvée dans la circulation sanguine alors qu’elle est normalement incapable d’y diffuser ! Cette protéine est d’autant plus intéressante que certains travaux suggèrent que sa concentration sanguine (proportionnelle aux altération de la barrière hémato-encéphalique) serait corrélée à l’intensité des symptômes psychotiques.

Une barrière hémato-encéphalique altérée pourrait autoriser l’accès cérébral à certaines cellules ou protéines du système immunitaire. Cette considération est passionnante et s’inscrit dans l’hypothèse d’une origine immunitaire de certaines schizophrénies.

Si l’altération de la barrière hémato-encéphalique apparaît importante dans la genèse des symptômes psychotiques de la schizophrénie, elle apparaît tout aussi capitale dans leur prise en charge. En effet, le rôle de filtre dont nous parlions plus haut ne se cantonne pas aux micro-organismes et autres protéines, mais touche de nombreuses molécules, et en particulier les médicaments.

C’est d’ailleurs l’une des raisons de l’incroyable difficulté à développer de nouveaux traitements psychotropes : c’est une tâche ardue que de les faire pénétrer dans le cerveau ! Cela est principalement dû à une protéine, la P-gp, contenue principalement dans les cellules endothéliales, présentes au contact de la circulation et qui forment la paroi interne des vaisseaux sanguins. Le rôle de la P-gp est de bloquer l’accès cérébral aux molécules malveillantes. De nombreux médicaments étant sensibles à la P-gp, leur diffusion jusqu’aux neurones s’en trouve grandement diminuée ! Il est d’ailleurs particulièrement intéressant de remarquer que la clozapine, qui représente le plus puissant antipsychotique de notre arsenal thérapeutique, a comme effet secondaire d’inhiber la P-gp. La clozapine facilite donc sa propre diffusion au cerveau, ce qui pourrait expliquer en partie sa grande efficacité !

La P-gp est un policier particulièrement sévère : elle empêche nos traitements psychotropes d'atteindre le cerveau !

L’activité de la P-gp pourrait aussi expliquer pourquoi certains patients deviennent résistants, au bout d’un certain temps, à leur traitement antipsychotique. Des études ont montré que l’activité de la P-gp dans leur cerveau était plus élevée, restreignant l’accès cérébral de la molécule et diminuant donc son efficacité.

Nous le voyons bien, la schizophrénie s’étend bien au-delà d’une simple anomalie neuronale. C’est l’ensemble des cellules cérébrales qui sont affectées. Il faut cependant rester prudent dans nos interprétations. En effet, les interactions entre neurones, microglie, astrocytes ou oligodendrocytes sont nombreuses et complexes. S’intéresser isolément à un type cellulaire particulier, c’est se mettre de terribles œillères ! C’est probablement des anomalies simultanées dans l’ensemble du cerveau qui aboutissent au trouble schizophrénique.

Les corrélations que l’on observe ne doivent pas non plus être prise pour des liens de causalité. Par exemple, les relations entre barrière hémato-encéphaliques et traitements antipsychotiques sont loin d’être claires. En effet, certaines études ont montré que les antipsychotiques pouvaient altérer cette structure : dès lors, les anomalies que l’on observe sont-elles dues à la schizophrénie ou à son traitement ? Des études rigoureuses sont nécessaires pour répondre à cette question.

Il faut enfin avoir en tête que ces anomalies ne touchent pas nécessairement l’ensemble des patients schizophrènes. Par exemple, il semblerait que l’augmentation de l’albumine cérébrale ne touche que 20 % des patients. On peut donc supposer qu’une barrière hémato-encéphalique altérée n’est pas retrouvée chez tous les malades. Cela met parfaitement en évidence la grande hétérogénéité, clinique et étiologique, des troubles schizophréniques : il n’existe pas une, mais des schizophrénies.

SOURCES :

- https://ela-asso.com/lassociation/25-ans-dela/

- Walterfang, Mark, et al. "Diseases of white matter and schizophrenia-like psychosis." Australian & New Zealand Journal of Psychiatry 39.9 (2005): 746-756.

- Dietz, Andrea G., Steven A. Goldman, and Maiken Nedergaard. "Glial cells in schizophrenia: a unified hypothesis." The Lancet Psychiatry 7.3 (2020): 272-281.

- Pollak, Thomas A., et al. "The blood–brain barrier in psychosis." The Lancet Psychiatry 5.1 (2018): 79-92.

- Stahl, Stephen M., and Stephen M. Stahl. Stahl's essential psychopharmacology: neuroscientific basis and practical applications. Cambridge university press, 2013.

 

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