Pourquoi tant de troubles psy débutent à l'adolescence ?


La schizophrénie, qui touche près de 1 % de la population française, débute le plus souvent vers 20 ans. Il en va de même pour le trouble bipolaire, même s’il existe bien trop souvent dans ce cas un retard au diagnostic de plusieurs années. La dépression et beaucoup de troubles anxieux débutent eux aussi au cours de l’adolescence, qui apparaît comme une période particulièrement à risque pour la future santé mentale d’un individu.


Mais comment expliquer cette vulnérabilité ? Que se passe-t-il dans le cerveau d’un adolescent et comment ces mécanismes peuvent-ils être à l’origine d’un trouble mental ? Du petit chaton à l’Homme en passant par les neurosciences computationnelles, tentons d’expliquer pourquoi tant de troubles psychiatriques débutent à l’adolescence. 


Une histoire de petits chatons.


Dans les années 1960, un groupe de scientifiques américains se lancèrent dans une étrange expérience [1]. Ils placèrent de tout jeunes chatons, juste après leur naissance, dans une chambre noire. Ils ne pouvaient en sortir uniquement lorsque les chercheurs les plaçaient dans une seconde cage. Celle-ci était bien particulière : on pouvait uniquement y voir des lignes horizontales. Ainsi, les petits chatons, lorsqu’ils n’étaient pas dans l’obscurité complète, observaient des heures durant leur monde linéaire…


Cette expérience dura plusieurs mois avant que les chatons, devenus grands, soient placés dans un environnement normal (en l’occurrence, un appartement du laboratoire). Mais leur comportement était étrange : ils tentaient d’attraper des objets pourtant à l’autre bout de la pièce, se déplaçaient en longeant les murs, et se cognaient sans cesse dans les pieds de chaises ou de table… Comme s’ils étaient incapables de les voir. Tout se passait comme s’ils étaient incapables de percevoir les lignes verticales !


Et c’est bien ce que mirent en évidence les enregistrements de leur cortex occipital, là où sont décodées les informations visuelles : si les neurones visuels s’activaient normalement à la vision de lignes horizontales, ils demeuraient fatalement silencieux lorsque des lignes verticales étaient présentés aux chats.


Cette cruelle expérience sur de pauvres petits chatons met très bien en évidence une notion fondamentale du développement psychomoteur : la période critique [2]. Le développement cérébral est une machinerie incroyablement complexe, siège de nombreux processus qui s’influencent et se complètent. Ce développement ne se fait pas de façon linéaire, si bien que certaines périodes propices à de profonds remaniements alternent avec des périodes de repos relatif.


La naissance d’un cerveau [14]


Tout débute au cours des premières semaines de la vie fœtale. Les prémices du système nerveux se forme dès la sixième semaine de grossesse (ou quatrième semaine d’aménorrhée) : la plaque neurale se forme, puis s’invagine pour former le tube neural. Plusieurs vésicules se formeront à l’une de ses extrémités, qui deviendront le cerveau, alors que la partie restée tubulaire correspond à la future moelle épinière.


Rapidement, des cellules souches bien spécifiques, situées dans les profondeurs du cerveau naissant, se mettent en action pour créer une armée de nouveaux neurones. Ces derniers quitteront rapidement le nid à destination du cortex. Une fois arrivé sur place, ils s’installeront confortablement au sein de leur couche cible (le cortex étant organisé en plusieurs couches de neurones, avec chacune leur fonction spécifique) et commerceront à faire connaissance avec leur voisin. Et pour cela, quoi de mieux que de développer de nouvelles synapses ! Les neurones sont des individus très sociables : bien loin de vos 400 amis sur Facebook, ce sont pas loin de 10 000 synapses chacun qu’ils formeront avec leurs congénères !

Schéma d'une synapse. Le bouton pré-synaptique (en gris) relâche des neurotransmetteurs contenus dans de fines vésicules, qui activeront le neurone post-synaptique (en noir) via leur récepteur spécifique.

Cette neurogénèse (création de nouveaux neurones) et synaptogénèse (création de nouvelles synapses) perdurent tout au long de la vie fœtale. En parallèle, les fibres optiques permettant aux neurones de communiquer à distance (que l’on appelle aussi des axones) se mettent en place et augmentent progressivement leur débit grâce au processus de myélinisation, qui permet d’accélérer la transmission des influx nerveux.


A la naissance, le processus de neurogénèse est désormais terminée et il ne persistera à l’âge adulte uniquement au niveau de  l’hippocampe, une structure impliquée dans la mémoire. En revanche, la synaptogénèse persistera encore plusieurs années. La myélinisation des axones ne prendra fin qu’à 25 ans environs.


Les preuves de ces processus proviennent pour beaucoup de l’animal, chez qui nous avons pu mesurer, en fonction de l’age, la densité en neurones et en synapses des différentes régions cérébrales. Chez l’Homme, ces mesures sont, on l’imagine bien, beaucoup plus compliquées. Les études histologiques sont rares, et portent sur des individus malades le plus souvent, ce qui peut fausser les mesures. Nous pouvons cependant nous appuyer sur l’imagerie cérébrale, qui permet de mesurer indirectement l’apparition de nouvelles synapses et le progrès de la myélinisation.


Ces études ont mis en évidence un épaississement du cortex au cours des premières années de vie du bébé, correspondant à l’augmentation du nombre de synapses à ces endroits [3]. Et si ces synapses prennent de la place, elles prennent aussi de l’énergie : elles ne sont pas là pour faire joli, elles sont avant tout là pour permettre aux neurones de communiquer ! C’est ainsi que la dépense énergétique peut être utilisée comme un reflet indirect de la densité synaptique. Les études d’imagerie fonctionnelle chez l’enfant mettent en évidence une augmentation de la demande énergétique au niveau du cortex, en accord une fois encore avec la création de nouvelles synapses [4].


Pour être plus précis, ces études d’imagerie fonctionnelle (qui se basent sur une TEP au glucose marqué) mesurent l’activité neuronale au repos. En effet, même inactif, un neurone et ses synapses consomment de l’énergie afin de maintenir leur potentiel de membrane et se tenir prêt à décharger. L’évolution de la dépense énergétique de repos est donc un reflet indirect de l’évolution du nombre de synapses avec le temps, le nombre de neurones étant stable (la neurogénèse est en grande partie terminée depuis la naissance).

Exemple d'imagerie fonctionnelle de cerveaux d'enfants. Les régions bleues correspondent à des zones cérébrales où le débit sanguin est moins important, contrairement aux régions rouges. Le débit sanguin étant proportionnel à la densité synaptique, cette technique nous permet d'observer la maturation du cerveau chez l'Homme.

Il existe donc une augmentation importante du nombre de synapses au cours de la petite enfance, jusqu’à 5 ans environs. Mais cette synaptogénèse ne se fait pas de manière uniforme : certaines régions, comme les aires motrices, sensorielles ou visuelles, maturent plus précocement, alors que d’autres, comme le cortex temporal ou pré-frontal, le font plus tardivement. Concrètement, on observe un pic de nouvelles synapses plus précoce au niveau des premiers par rapport aux seconds.

Cerveau humain vu de côté.
Les cortex temporaux (en vert) et préfrontaux (en bleu) sont les structures qui deviennent matures le plus tardivement.

Le cerveau adolescent


Vers 8 ans, la densité synaptique est à son maximum dans l’ensemble des régions du cortex et la synaptogénèse s’arrête (la seule exception étant le cortex préfrontal où elle persiste encore pour quelques années). Pour autant, la maturation cérébrale est encore loin d’être terminée. En effet, si la synaptogénèse aboutie à la formation de milliers de milliards de synapses, la majorité d’entre elles… sont inutiles. La synaptogénèse aboutie à un excès massif de synapses qu’il faut ensuite éliminer. C’est cet « élagage synaptique » qui est le processus fondamental de la maturation du cerveau adolescent.


Le cerveau ne se construit pas comme une voiture, pour laquelle on assemble patiemment les différentes pièces de la mécanique selon un plan défini à l’avance. Il se construit comme une statue : on part d’un bloc de pierre qui sera progressivement modelé, creusé, affiné par le maître sculpteur. Mais pourquoi s’embêter à créer des millions de synapses en excès ? Comment justifier la prodigieuse dépense énergétique que cela représente ?


Pour répondre à ces questions, il nous faut quitter notre cerveau et nos chatons, pour se pencher… sur les girafes. Vous l’avez sans doute deviné, nous allons parler de sélection naturelle ! Selon cette théorie, seules les girafes au long cou ont pu survivre car elles seules avaient accès au feuillage de la cime des arbres. Les girafes dont le cou était trop petit ont fatalement été éliminées sous le coup de la pression de sélection.


L’histoire est similaire pour nos synapses. Créées en large excès, certaines appartiennent à des circuits cérébraux capitaux, et sont régulièrement activées. D’autres, en revanche, sont inutiles au fonctionnement cérébral et restent au repos la plupart du temps. L’élagage synaptique, c’est l’élimination des synapses peu ou pas utilisées pour ne garder que celles qui sont essentielles au fonctionnement du cerveau. Ce darwinisme neuronal permet d’expliquer la formation de circuits neuronaux incroyablement complexes à partir d’un nombre limité de gènes [5, 6]. Le processus permet aussi une adaptation fine de l’individu à son environnement en sélectionnant les circuits neuronaux les plus pertinents.


Le cerveau adolescent est donc le siège d’un élagage synaptique massif, nécessaire à sa maturation finale et son bon fonctionnement futur. La dynamique de cette suppression synaptique est similaire à la synaptogénèse fœtale et infantile : elle débute tout d’abord au niveau des régions sensorielles et motrices avant de concerner les fonctions supérieures correspondant aux cortex préfrontaux et temporaux notamment. Nous pouvons visualiser l’élagage synaptique chez l’Homme grâce à la mesure de l’épaisseur corticale en imagerie. Ces études en IRM permettent de produire de magnifiques vidéos qui nous permettent de suivre l’amincissement progressif du cortex en rapport avec la disparition des synapses inutiles [7].


On comprend mieux pourquoi l’adolescence est une période critique, de la même façon que la petite enfance de nos chatons. La perturbation des processus neuro-développementaux capitaux qui s’y passent sont capables de modifier profondément et durablement les circuits neuronaux de notre cerveau. Privez un chaton de stimulation visuelle au cours des premières semaines de vie et il deviendra aveugle. La même expérience quelques mois plus tard n’aura aucun effet : les circuits neuronaux seront déjà bien en place !


La vie fœtale, les premières années après l’accouchement et l’adolescence sont donc des périodes particulièrement à risque, car elles sont le siège de remaniements majeurs des circuits cérébraux. Toute interférence avec ces processus va aboutir à un câblage cérébral défectueux, et finalement à la pathologie.


Nous avons déjà évoqué dans un article précédent [8] l’influence que pouvait avoir l’inflammation maternelle sur le cerveau fœtal, voir comment elle pouvait le prédisposer et le sensibiliser à certains troubles psychiatriques (et en particulier la schizophrénie). Avançons de plusieurs années aujourd’hui et intéressons nous à cette période charnière que représente l’adolescence dans la genèse des troubles psychiatriques.


La schizophrénie, ou massacre à la tronçonneuse.


Parmi les troubles psychiatriques qui débutent à l’adolescence, la schizophrénie est peut être l’exemple le plus caricatural et le mieux expliqué. La schizophrénie est un trouble psychiatrique fréquent (il touche près de 1 % de la population française) qui se caractérise par des hallucinations et des idées délirantes, un appauvrissement de la vie psychique et surtout par une désorganisation de la pensée, des émotions et des comportements qui ne sont plus cohérents entre eux. Elle est liée à un excès de dopamine dans le cerveau. Les antipsychotiques utilisés par les psychiatres permettent d’améliorer les symptômes en inhibant les récepteurs dopaminergiques.


On sait depuis longtemps que le cerveau des personnes schizophrènes présente certaines anomalies. Dès les années 1970, on à constaté que les ventricules cérébraux, sorte d’armature liquidienne sur laquelle repose le cerveau, sont plus large que la moyenne, traduisant une diminution du tissu cérébral [9]. De plus, le cerveau schizophrène se caractérise par une connectivité anormale : les différentes régions cérébrales sont moins bien connectées entre elles, et n’arrivent donc pas à communiquer correctement. C’est particulièrement le cas du cortex préfrontal dont le fonctionnement, que l’on observe grâce à des techniques d’imagerie fonctionnelle, est altéré [10].


On devine que ces anomalies de connectivité peuvent avoir une origine synaptique. Un certain nombre de facteurs de risque génétiques de schizophrénie correspondent à des gènes impliqués dans la synapse. De plus, des études histologiques post-mortem de sujets schizophrènes montent une diminution de la densité synaptique au niveau du cortex. La schizophrénie est donc (entre autres) une maladie de la synapse [10].


Mais ce déficit synaptique est curieusement assez stable dans le temps. En effet, lorsqu’on la mesure chez des adultes schizophrènes d’âge différent, on ne trouve pas de diminution de la densité synaptique en fonction de l’âge. Elle ne semble pas liée non plus à l’action des traitements antipsychotiques. On soupçonne donc que cette diminution de densité synaptique doit avoir lieu à l’adolescence, qui correspond le plus souvent à l’apparition des tout premiers symptômes [15].


En 1989, une modélisation informatique d’élagage synaptique pathologique a mis en évidence des résultats éclairant [11]. Les chercheurs à l’origine de cette étude ont modélisé un système de 100 neurones tous interconnectés et dont les activations spécifiques codaient un souvenir particulier, et ont étudié son fonctionnement au fur et à mesure qu’ils altéraient les connexions neuronales.


Avant de continuer, il convient de faire une petite digression sur le fonctionnement de notre mémoire. Celle-ci ne fonctionne pas comme le disque dur de votre ordinateur. La recherche d’un fichier sur celui-ci se fait de manière séquentielle : tout le disque sera balayé à la recherche du fichier voulu. La puissance de l’ordinateur tient alors à sa rapidité de calcul, qui permet d’effectuer l’enchaînement de chaque tâche le plus rapidement possible. Mais cette méthode est particulièrement fastidieuse. Notre cerveau ne fonctionne pas de cette manière. Si je vous dit «Le jour où on mettra les cons en orbite, tu n’as pas fini de tourner !», vous n’aurez aucun mal à retrouver «Le Pacha» ou « Audiart », quasiment instantanément. Le souvenir de ce film est codé par un ensemble de neurones, et l’activation d’une partie d’entre eux (ceux qui ont encodé cette citation particulière) permet l’activation rapide de l’ensemble du réseau associé. Notre cerveau ne fonctionnement pas séquentiellement comme votre ordinateur, mais de façon parallèle.


C’est ce fonctionnement qui a été modélisé, à petite échelle, par les auteurs de l’étude. Chacun des 100 neurones pouvait être associé à une valeur binaire (1 ou -1, représentant son activation ou son extinction), avec pour chaque combinaison un souvenir associé. L’activation d’une partie des neurones permettait de retrouver le motif d’activation complet et ainsi le souvenir dans son intégralité.


En se basant sur le principe de darwinisme neuronal (qui avait été décrit 2 ans plus tôt seulement), ils ont ensuite soumis leur système à un élagage synaptique plus ou moins important, lié à la force de la connexion et la distance entre deux neurones. Ils ont alors observé plusieurs phénomènes intéressants.


Tout d’abord, la suppression de 75 % des connexions n’interférait pas significativement avec le fonctionnement du système. En revanche, le comportement de celui-ci devenait aberrant si plus de 80 % de ses synapses étaient élaguées. Au delà de ce seuil, le système n’arrivait pas à retrouver le souvenir à partir du point de départ. Il était comme fragmenté : certains groupes de neurones, dispersés, arrivaient à retrouver l’état d’activation recherché, mais de larges ensembles n’y arrivaient pas. Il existait aussi de grands sous-ensemble (appelés « foci parasitiques ») qui s’activaient toujours de la même façon, qu’importe le souvenir recherché et l’activation originelle. Le système était de manière générale plus ambigu : les indices mnésiques habituellement utilisés (le point de départ du système) ne permettaient pas de retrouver le souvenir. Mais lorsqu’on aidait un petit peu le système, en donnant plus de détails au départ, il arrivait à le retrouver.


Il est important de noter que ce fonctionnement ne concerne pas uniquement les souvenirs dits autobiographiques (c’est à dire les souvenirs de notre vie) comme on l’imagine instinctivement, mais l’ensemble des informations stockées dans notre cerveau. Dans ce contexte, l’interprétation de la fragmentation du réseau et des foci parasitiques peuvent être rattachés à plusieurs symptômes de la schizophrénie.


La fragmentation du réseau fait bien entendu écho au défaut de connectivité du cerveau schizophrène. De plus, les « îlots » d’activation de neurones peuvent faire évoquer le syndrome de désorganisation. Une même perception initiale (point de départ) va en effet aboutir à plusieurs informations codées simultanément au sein du cortex. Cet état peut se traduire chez un patient par un discours désorganisé et l’enchaînement de plusieurs idées sans lien apparent, ou encore une inadéquation entre l’émotion ressentie et le comportement observé.


De leur côté, les foci parasitiques, qui correspondent à des activations neuronales stéréotypées qu’importe la perception initiale, peuvent être à l’origine des hallucinations et des idées délirantes. Imaginez en effet votre réaction à ce phénomène : sans que vous compreniez pourquoi, et sans que vous puissiez le contrôler, la même idée germe dans votre esprit et s’impose à vous. Tout se passe comme si vous n’aviez plus le contrôle de vos pensées, qui apparaissent indépendamment de tout contexte et sans rapport avec vos expériences actuelles et passées. De la à dire qu’une entité contrôle vos pensées et vos actions, il n’y a qu’un pas…


De la même façon, un foci parasitique localisé dans un cortex sensoriel pourra être à l’origine d’une hallucination. S’il est par exemple localisé dans les aires auditives, il pourra être à l’origine d’une hallucination acoustico-verbale en réactivant les neurones codant pour un mot ou une phrase particulière. Ces hallucinations peuvent en plus s’intégrer dans les idées délirantes.


On peut aussi comprendre l’action des antipsychotiques à partir de cette étude. Mais pour cela, il nous faut digresser une nouvelle fois et aborder une autre maladie de la dopamine : la maladie de Parkinson. Celle-ci correspond à la mort des neurones dopaminergiques impliqués dans le contrôle moteur, entraînant une rigidification des patients. Tout se passe comme si le manque de dopamine rendait le cortex moteur « moins impulsif » : l’initiation des mouvements est particulièrement difficile chez ces malades.


Certains chercheurs pensent que les antipsychotiques (qui agissent en bloquant la dopamine dans le cerveau) permettent au cortex préfrontal d’être moins « impulsif » de la même façon, c’est à dire d’être capable d’attendre de recevoir plus d’informations avant de conclure, de la même manière que la simulation capable de retrouver le souvenir associé si on l’aidait en lui donnant plus d’indices au début.


L’âge de début de la schizophrénie semble donc s’expliquer par un élagage synaptique trop important à l’adolescence. Il est cependant difficile aujourd’hui de connaître précisément le mécanisme défaillant. Certains scientifiques pensent que les synapses sont pathologiques dès le départ, même pendant l’enfance, et que l’élagage synaptique ne ferait que dévoiler les symptômes. En effet, l’excès de synapses avant 10 ans permettrait au cerveau de compenser, ce qui deviendrait impossible avec la diminution progressive de la densité synaptique. On observe de plus de discrets signes cliniques (comme par exemple un repli social ou de discrets troubles du langage) chez les enfants qui développeront plus tard une schizophrénie, indiquant une dysfonction précoce des réseaux cérébraux.


Ces synapses dysfonctionnelles, selon la théorie du darwinisme neuronal, seront probablement éliminée au cours de l’élagage synaptique. Ainsi donc, le processus pathologique à l’origine du manque de connexions cérébrales ne serait peut être pas l’élagage synaptique. Ce dernier pourrait fonctionner normalement mais, agissant sur des synapses pour beaucoup dysfonctionnelles, aboutirait à une suppression massive à l’adolescence à l’origine du début du trouble. Selon un raisonnement similaire, la schizophrénie pourrait résulter d’un déficit de synaptogénèse (c’est à dire de création des synapses) au cours des premières années de vie, aboutissant à une densité synaptique trop faible au cours de l’enfance (mais qui reste compensée par l’excès relatif en synapse à cette période). L’élagage synaptique normal à l’adolescence démasquerait les symptômes.


Il est difficile, à l’heure actuelle, de trancher entre ces différentes hypothèses, qui ne sont par ailleurs pas incompatibles. La schizophrénie pourrait résulter d’un défaut de quantité et de qualité de synapses, en plus d’un processus d’élagage anormal.


La schizophrénie n’est pas le seul trouble psychiatrique pour lequel un élagage synaptique anormal est suspecté. Certaines études avancent qu’il pourrait aussi avoir un rôle important dans la physiopathologie des troubles autistiques et de l’hyperactivité [12].


L’adolescence est une période de sensibilité au stress et aux jugements sociaux, ce qui constitue un terrain propices aux développement de troubles dépressifs et anxieux. Cette susceptibilité peut être expliquée par une immaturité des circuits neuronaux [13].


L’adolescence, qui représente une phase d’intense maturation cérébrale, est donc une période particulièrement à risque. Toute lésion peut perturber ce processus et aboutir à des troubles psychiatriques. Une excellente raison de prendre soin du cerveau adolescent, en limitant les facteurs de stress, comme le harcèlement scolaire ou le cannabis, et en étant vigilant sur leur santé mentale. Mais il ne faut pas tomber dans la psychose : une agression cérébrale au cours de l'adolescence n'aboutira pas forcément à la pathologie, à nouveau grâce à la plasticité du cerveau à ce moment là. Même si le développement est impacté, rien n'est figé dans le marbre : même nos chatons aveugles ont progressé au fur et à mesure de l'exposition à leur nouveau environnement.





SOURCES :

- Paus, Tomáš, Matcheri Keshavan, and Jay N. Giedd. "Why do many psychiatric disorders emerge during adolescence?." Nature Reviews Neuroscience 9.12 (2008): 947-957.

- [1] : Blakemore, Colin, and Grahame F. Cooper. "Development of the brain depends on the visual environment." Nature 228.5270 (1970): 477-478. s

- [2] : Lockhart, Sedona, Akira Sawa, and Minae Niwa. "Developmental trajectories of brain maturation and behavior: Relevance to major mental illnesses." Journal of pharmacological sciences 137.1 (2018): 1-4.

- [3] : Knickmeyer, Rebecca C., et al. "A structural MRI study of human brain development from birth to 2 years." Journal of neuroscience 28.47 (2008): 12176-12182.

- [4] : Chugani, Harry T., Michael E. Phelps, and John C. Mazziotta. "Positron emission tomography study of human brain functional development." Annals of neurology 22.4 (1987): 487-497.

- [5] : https://lecerveau.mcgill.ca/flash/capsules/outil_rouge03.html#:~:text=Edelman%20s'est%20par%20la,liens%20pour%20plus%20de%20d%C3%A9tails).

- [6] : https://en.wikipedia.org/wiki/Neural_Darwinism

- [7] : GogGogtay, Nitin, et al. "Dynamic mapping of human cortical development during childhood through early adulthood." Proceedings of the National Academy of Sciences 101.21 (2004): 8174-8179. tay (et vidéo)

- [8] : https://100milliardsdeneurones.blogspot.com/2020/05/la-schizophrenie-nait-elle-dans-le.html

- [9] : Faludi, Gábor, and Károly Mirnics. "Synaptic changes in the brain of subjects with schizophrenia." International Journal of Developmental Neuroscience 29.3 (2011): 305-309.

- [10] : Glausier, Jill R., and David A. Lewis. "Dendritic spine pathology in schizophrenia." Neuroscience 251 (2013): 90-107.

- [11] : Feinberg, Irwin. "Cortical pruning and the development of schizophrenia." (1990): 567.

- [12] : de Silva, Prasanna N. "Do patterns of synaptic pruning underlie psychoses, autism and ADHD?." BJPsych Advances 24.3 (2018): 212-217.

- [13] : Meyer, Heidi C., and Francis S. Lee. "Translating developmental neuroscience to understand risk for psychiatric disorders." American Journal of Psychiatry 176.3 (2019): 179-185.

- [14] : Lockhart, Sedona, Akira Sawa, and Minae Niwa. "Developmental trajectories of brain maturation and behavior: Relevance to major mental illnesses." Journal of pharmacological sciences 137.1 (2018): 1-4.

- [15] : Cannon, Tyrone D. "How schizophrenia develops: cognitive and brain mechanisms underlying onset of psychosis." Trends in cognitive sciences 19.12 (2015): 744-756.


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