Peut-on réguler nos émotions ?
Dans notre corps, un grand nombre de paramètres sont maintenus
constants malgré les perturbations de l’environnement. Notre
tension artérielle systolique est maintenue à environs 120
millimètres de mercure, notre température à 37°C, ou notre
concentration sanguine en sodium à 140mmol/L. Cet équilibre
intérieur, décrit pour la première fois par Claude Bernard au
19ème siècle et qu’on appelle homéostasie, est essentiel au bon
fonctionnement de notre organisme. Tout écart à ce point
d’équilibre peut aboutir à la pathologie : hypertension
artérielle, hypothermie, hyponatrémie…
A l’instar de
notre système cardiovasculaire, notre humeur et nos émotions
possèdent aussi leur propre homéostasie. Que sait-on de ces
mécanismes, et comment peut-on l’étudier ? Qu’est ce
qu’une émotion, en quoi diffère-t-elle de notre humeur ? Comment
sont-elles liées et comment peut-on les influencer au quotidien, en
particulier pendant le (dé)confinement ?
Si l’humeur et les
émotions correspondent à des états d’âme particuliers, qu’on
peut regrouper sous le terme général d’affect, elles diffèrent
pourtant grandement l’une de l’autre. Si l’humeur est un
phénomène relativement stable dans le temps, sur une durée
prolongée le plus souvent, les émotions sont des expériences
beaucoup plus intenses et brèves. Ainsi donc, les humeurs
correspondent aux climats (tempéré, méditerranéen ou tropical)
d’une région, alors que les humeurs trouveraient leur analogie
dans les dépressions et autres anticyclones qui peuvent affecter
brièvement la météo locale.
On le devine,
émotions et humeurs s’influencent mutuellement, de la même façon
qu’il pleut plus souvent en Bretagne qu’à Marseille ! Pour
agir sur l’humeur, il faut donc aussi agir sur les émotions et
vice-versa. On conçoit intuitivement qu’une personne dépressive
sera « en panne » d’émotion positive, et que la
restauration de cette faculté permettra d’améliorer son humeur
(en plus d’une action sur l’humeur en elle-même).
Les stratégies que
nous pouvons mettre en place pour réguler nos émotions représentent
un intense sujet de recherche en psychologie et en neurosciences
depuis des décennies [1]. On peut globalement identifier 5 grandes
stratégies de contrôle émotionnel. Les deux premières concernent
la situation concrète qui déclenche l’émotion, comme d’éviter
la situation en question (éviter de parler politique au repas de
famille car on sait que cela va nous énerver) ou de la modifier (en
choisissant ses voisins de table du même avis, par exemple). Ces
deux stratégies sont relativement proches, la seconde créant une
nouvelle situation plus confortable sur le plan émotionnel. Un
dérèglement à ce niveau de régulation peut engendrer des troubles
psychiatriques : une personne souffrant d’anxiété sociale
cherchera ainsi à éviter toute source d’angoisse et se confinera
de plus en plus à son domicile.
Une troisième
stratégie consiste en un redéploiement attentionnel permettant de
focaliser son attention sur un stimulus moins chargé
émotionnellement. Cette distraction volontaire d’une émotion
déplaisante est présente dès la petite enfance, et se développe
avec l’âge. Une stratégie proche s’attache à réinterpréter
l’évaluation cognitive d’une situation pour en modifier son
impact émotionnel. En d’autres termes, il s’agit d’une
reformulation interne d’une situation vécue, permettant de mettre
à distance l’émotion ainsi que le stimulus qui en est la source.
Enfin, une dernière
stratégie repose sur une modification directe de la réponse
comportementale et physiologique d’une émotion. Il peut s’agir
d’une séance de sport, d’exercice de respiration ou d’une
simple cigarette (mais ce n’est pas la meilleure option). Il peut
aussi s’agir de diminuer l’expression de notre visage :
certaines études montrent qu’il s’agit d’une méthode
permettant de diminuer efficacement l’intensité des émotions
positives… Ce qui n’est pas forcément le plus judicieux !
Mais nous pouvons
aller plus en détail dans les systèmes de régulation émotionnelle,
et découvrir de nouveaux mécanismes, qui correspondent à la fois à
de potentiels nouveaux dérèglements pathologiques, mais aussi à de
possible leviers thérapeutiques.
Considérons le
système suivant. Nous percevons le monde tel qu’il nous apparaît,
et tel qu’il est retranscrit dans notre esprit. L’évaluation que
nous faisons de cette perception, et encore plus la confrontation de
cette perception à nos attentes de ce que devrait être le monde
génère une émotion qui traduit l’écart qu’il peut y avoir
entre ces deux états (perçu et imaginé). Cette émotion, comme
l’indique d’ailleurs l’étymologie même du mot, génère un
mouvement, une action dont le but est d’agir sur le monde afin de
le rapprocher de notre idéal. On aboutit alors à un nouvel état du
monde perçu, qui est de nouveau confronté à notre idéal espéré,
générant une nouvelle émotion. Ce système fonctionne de façon
dynamique, chaque boucle pouvant être à l’origine d’une
nouvelle.
Ce système basique
peut être multiplié et fonctionner « en dérivation »,
chacun portant sur un stimuli en particulier, d’origine externe
(provenant de l’environnement) ou interne (des sensations
corporelles, des souvenirs, des pensées…). Ces multiples systèmes
peuvent être synergiques, comme lorsqu’on sort au cinéma avec un
ami (le plaisir de regarder un bon film et celui de passer du temps
avec un ami s’additionnent). Mais ont peut aussi imaginer de
potentielles confrontations entre deux émotions différentes qui
rentrent en compétition : l’une des deux doit gagner la
mise ! Le meilleur exemple de ce type de compétition arrive
tous les matins, alors vous être au chaud dans votre lit et que vous
avez le choix de vous lever pour prendre votre petit-déjeuner. L’un
vous dit de rester sous votre couette, alors que l’autre vous
pousse à chercher vos Chocapic.
On peut imaginer une
résolution passive de ce problème, la tension (l’émotion) la
plus forte l’emportant à l’usure sur l’autre (ou pour le dire
plus simplement, se lever lorsque la faim est devenue plus forte que
la flemme!). Mais on peut aussi imaginer un arbitre désignant le
vainqueur : il s’agit d’un système dit secondaire (le
premier système donc nous avons parlé plus haut étant considéré
comme primaire) qui permet d’évaluer une situation émotionnelle
donnée.
Comment fonctionne ce système secondaire ?
Nous pouvons
appliquer le système Perception-Evaluation-Action aux trois grandes
étapes de régulation émotionnelle, respectivement l’étape
d’identification de l’émotion, de la sélection d’une
stratégie de régulation puis de l’adaptation de cette stratégie
au contexte unique pour aboutir à une tactique personnalisée. Un
dysfonctionnement à chacune de ces étapes, et à l’intérieur de
celles-ci de chaque processus, peut être à l’origine d’une
pathologie.
Tout d’abord, nous
devons être capable de percevoir avec justesse l’émotion
ressentie. Cette capacité est capitale dans la régulation
émotionnelle : il faut savoir ce que l’on a à réguler !
La perception émotionnelle peut être ciblée en psychothérapie
notamment avec les techniques de pleine conscience. L’évaluation a
ensuite pour rôle d’attribuer une valence émotionnelle (positive
ou négative), dont l’intensité va permettre de déclencher une
action en retour si elle est suffisamment importante. La nécessité
d’une régulation sera posée si l’intensité émotionnelle
dépasse un certain seuil. Une altération de cette étape aboutit à
une inertie émotionnelle anormale, ou peut être renforcée par des
fausses-croyances (comme par exemple celle que nous sommes soumis à
nos émotions et que nous ne pouvons rien faire pour les contrôler).
Ainsi donc, l’aboutissement de cette première étape
d’identification correspond à la décision d’une régulation
émotionnelle ou non.
La stratégie de
régulation émotionnelle sera sélectionnée dans un deuxième
temps. Le premier processus mis en œuvre correspond à la perception
de l’ensemble des stratégies disponibles. On comprend bien que si
cet éventail de stratégies est restreint, ou qu’il existe une
rigidité extrême et intangible dans le choix des stratégies, on
peut aboutir à une erreur de sélection. Dans un second temps, ces
différentes stratégies vont être évaluées au regard du contexte
social, physique, cognitif et émotionnel. Chacun de ces paramètres
vont être pondérés afin de déterminer quelle stratégie est la
plus adaptée. Une erreur de pondération peut donc aboutir à une
évaluation et une sélection anormale. C’est le cas par exemple de
l’anxiété sociale, qui se caractérise par une forte anxiété
ressentie dans certaines situations qui provoquera de manière
inadaptée la sélection de stratégies d’évitement qui ne feront
que renforcer le trouble. Une fois les différentes stratégies
évaluées, on pourra sélectionner celle qui paraît la plus adaptée
au contexte en fonction d’un but précis qui a été fixé (étape
d’action).
Mais la stratégie
de régulation émotionnelle ainsi sélectionnée ne peut pas être
appliquée telle quelle. La situation unique dans laquelle l’émotion
prend part nécessite qu’elle soit remodelée afin d’être
parfaitement congruente au contexte. La stratégie doit devenir une
tactique. L’étape perceptive visera à détecter les indices
environnementaux (externes et internes) saillants qui permettront de
guider le remodelage tactique. Un biais dans la perception de ces
indices aboutira à un remodelage anormal de la stratégie
précédemment sélectionnée. Ce remodelage est permis par une
flexibilité mentale importante. Des capacités cognitives
restreintes pourront limiter ce processus : en effet, certaines
stratégies et tactiques nécessitent plus de ressources cognitives
que d’autres, et un choix non adapté à ces ressources aboutira à
l’échec de la mise en œuvre de la tactique élaborée. Essayez
donc de débuter la pleine conscience pendant une période de grand
stress, et vous sentirez cette difficulté de régulation. Au
contraire, l’entraînement régulier dans des période de calme
permettra de développer vos compétences et ainsi de faire face de
façon plus efficace à la même situation de stress (et cela vaut
pour toutes les autres stratégies de régulation émotionnelle).
Enfin, cette
tactique pourra être appliquée dans le monde réel. Cette étape
est bien entendu essentielle : si elle échoue, c’est
l’ensemble du processus de régulation émotionnelle qui tombe à
l’eau ! Ce processus de régulation n’existe que pour cette
ultime étape.
Comme nous le
disions précédemment, il faut percevoir ce système comme hautement
dynamique. Ainsi, l’application de la tactique élaborée changera
le monde réel et la perception que nous en avons, et aboutissant à
une nouvelle perception émotionnelle débutant un nouveau cycle. Il
s’agit, pour le dire plus simplement, d’une sorte de mise à jour
émotionnelle permanente avec une interaction entre nos perceptions
et nos émotions. Cet aspect dynamique peut être intéressante à
considérer dans une stratégies de régulation en deux étapes d’une
émotion particulièrement intense : on peut imaginer la mise en
place initiale d’une tactique de distractivité afin de diminuer
l’intensité émotionnelle, qui permettra dans un second temps une
tactique de réinterprétation cognitive qui n’aurait pas été
possible d’emblée au vue de l’intensité émotionnelle.
Il faut aussi
appréhender ce système dans une dynamique à long terme avec des
processus d’apprentissage. Nous devenons ainsi de plus en plus
performant dans nos stratégies de régulation lorsque nous sommes
souvent confrontés aux mêmes situations. Cet apprentissage peut
optimiser l’ensemble des étapes que nous avons évoqué plus haut.
Ce contrôle
émotionnel peut donc, nous venons de le voir, être fortement
influencé par l’expérience émotionnelle que nous avons, et qui
grandit tout au long de notre vie. On peut donc imaginer que des
processus très basiques sont présents chez le petit enfant, qui
deviendront de plus en plus complexes avec l’âge. Cet
apprentissage progressif peut être particulièrement important si
l’on étudie l’impact des premières expériences émotionnelles
chez l’enfant et l’impact que cela peut avoir dans les stratégies
de régulation émotionnelle futures. La régulation émotionnelle
peut aussi être modelée par des facteurs culturels et sociaux, avec
un possible rôle modérateur de la personnalité.
Une homéostasie de nos émotions ?
Vous vivrez
certainement plus de 600 000 heures, et la question la plus
pertinente que vous vous poserez toute votre vie est : que faire
pendant la prochaine heure ? Travailler, faire du ménage,
s’occuper des enfants, regarder la télé ? Ce choix cornélien
et perpétuel dépend de nombreux paramètres, par exemple des
facteurs socio-économiques ou culturels. Mais nous savons qu’il
dépend aussi grandement de notre état affectif à un instant donné.
De nombreuses études
en laboratoire ont ainsi étudié l’influence de notre humeur et de
nos émotions dans le choix de nos activités. Ce choix semble suivre
un principe dit hédonique : nous cherchons continuellement à
minimiser nos émotions et humeurs négatives, tout en maximisant nos
affects positifs. Ainsi, une personne déprimée (et non pas
dépressive, nous y reviendrons) choisira plus spontanément de voir
des amis ou de se faire un bon repas afin d’augmenter son humeur,
et une personne heureuse cherchera à maintenir cet état le plus
longtemps possible.
Mais ces
observations de laboratoire ne collent pas avec la vraie vie, que
nous expérimentons au quotidien. Tous les jours, nous vivons des
situations totalement différentes de ce principe hédonique. Si nous
cherchions à toujours et immédiatement maximiser nos affects
positifs, comment expliquer que nous fassions la vaisselles, le
ménage, les courses, que nous allions au travail ou que nous
attendons des heures devant le supermarché en temps de confinement ?
Deux hypothèses se
posent pour expliquer ce phénomène. La première, appelée
saillance hédonique, explique nos actions en fonction de l’intensité
de nos affects. Ainsi, des affects de forte intensité (négatifs ou
positifs) déclencherai des comportements ayant pour but de maximiser
notre état affectif selon le principe hédonique, alors que des
affects d’intensité modérée permettraient d’effectuer des
tâches déplaisantes ou neutres. La seconde hypothèse, dit de
flexibilité hédonique, postule que chaque individu poursuit des
buts à plus ou moins long terme, et que ses affects servent à
prioriser ces buts et adapter nos comportements en fonction. Selon
cette hypothèse, des affects négatifs maximiseraient l’importance
des buts à court terme (et donc la réalisation d’actions pour
augmenter rapidement les affects) alors que les affects positifs
permettraient aux individus de réaliser des comportements négatifs
ou neutres, pourvus qu’ils puissent maximiser nos affects à long
terme. Dit autrement, on prioriserait le court terme en étant
déprimé, et le long terme en étant de bonne humeur.
Pour trancher entre
ces deux hypothèses, des chercheurs ont conçu une expérience
basée sur une application mobile, 58sec, sur laquelle les
participants devaient noter au cours de leurs journées leurs
activités et leurs affects [2]. Ils ont ainsi pu étudier la
relation entre les affects et les activités, à savoir quels affects
avaient une influence sur les activités futures et si celles-ci
avaient une influence en retour sur les affects.
Leurs expériences
montrent que nos affects à un instant donné influencent nos
activité dans les heures suivantes. Mais cet effet est plus
important pour les activités agréables : ainsi, ces dernières
sont principalement prédites par l’humeur du sujet les heures
précédentes, alors que les activités neutres ou désagréables
sont principalement liées au moment de la journée ou au jour de la
semaine. Pour le dire autrement, aller boire un verre avec un ami
dépend plus de l’humeur du moment, plutôt que le fait qu’il
soit 20h un samedi soir.
En accord avec les
deux hypothèses, les individus de mauvaise humeur avaient tendance à
privilégier les activités capables de la booster, comme aller se
balader ou faire du sport. En revanche, les individus de bonne humeur
tendaient plus vers des activités neutres ou désagréable, en
désaccord avec l’hypothèse de la saillance hédonique. Tout se
passe comme si on avait à ce moment là des crédits de bonne humeur
que l’on pouvait se permettre de dépenser à faire des activités
désagréables, alors qu’on ne peut pas s’endetter encore plus
lorsqu’on est de mauvaise humeur. L’urgence dans ce cas là est
de revenir à une humeur confortable. Ces observations correspondent
très bien à la théorie de la flexibilité hédonique.
On découvre ici les
premiers principes de l’homéostasie des affects. Alors que des
affects bas motiveront la réalisation d’actions ayant pour but de
remonter rapidement l’humeur (qui privilégient donc les projections
à court terme), les affects hauts permettront la réalisation
d’actions déplaisantes sur le court terme mais permettant un gain
(affectif) sur le long terme, en accord avec l’hypothèse de la
flexibilité hédonique. Cependant, ces actions déplaisantes sont
aussi expliquées par des contraintes temporelles : au delà de
notre humeur, on fait nos courses le samedi car on en a l’habitude/la
possibilité.
Homéostasie émotionnelle : nouvelle cible thérapeutique ?
Une étude récente,
publiée en avril 2020 dans le prestigieux journal JAMA Psychiatry [3],
se propose d’aller plus loin et d’étudier les dysfonctionnements
de cette homéostasie émotionnelle. Les chercheurs à l’origine de
cette étude se sont à nouveau basés sur l’application 58sec.
Après avoir quantifié (noté) l’homéostasie émotionnelle, ils
ont observé que celle-ci changeait en fonction de l’humeur moyenne
des individus : elle avait tendance à être plus efficiente
chez les individus de bonne humeur que chez les individus dépressifs.
Le premier graphique
représente l’homéostasie émotionnelle d’un individu normal, de
bonne humeur globale. Les abscisses représentent l’effet sur
l’humeur et les ordonnées la probabilité de débuter l’activité
lorsqu’on est triste. On retrouve un certain nombre d’éléments
dont on a déjà parlé : certaines activités vont augmenter de
manière significative l’humeur, tel que le sport, les interactions
sociales ou les activités culturelles, alors que d’autres vont au
contraire la diminuer (attendre, penser, ménage…). On peut
remarquer que le confinement actuel restreint toute activité
bénéfique ou presque et favorise au contraire les activités
délétères… On retrouve enfin les éléments d’homéostasie que
nous connaissons déjà, à savoir qu’une humeur triste favorisera
les activités bénéfiques par rapport aux activités délétères.
Reproduction de "Mood Homeostasis, Low Mood, and History of Depression in 2 Large Population Samples." JAMA psychiatry (2020). |
Le deuxième
graphique représente au contraire l’homéostasie d’un individu
déprimé. On remarque tout de suite une différence majeure dans la
pente de la droite, qui apparaît beaucoup plus « plate »
que celle du premier graphique. Ainsi donc, si l’effet des
différentes activités sur l’humeur reste identique (les abscisses
sont égales), la probabilité de les mettre en œuvre est
radicalement différente ! L’homéostasie émotionnelle est
dysfonctionnelle. Là où un individu normal triste pourra
naturellement mettre en œuvre les stratégies permettant d’augmenter
son humeur, une personne déprimée en sera incapable ! On peut
de plus noter l’apparition de stratégies dysfonctionnelles et
délétères : les ruminations ("Penser") deviennent plus probables quand
bien même elles sont tout aussi nocives.
Forts de ce constat,
les chercheurs se sont ensuite groupé leur échantillon en fonction
de la présence ou non d’antécédent de dépression. Les résultats
de ces analyses sont similaires : l’homéostasie émotionnelle
des individus avec un antécédent de dépression était
dysfonctionnelle, avec l’absence complète de lien entre une humeur
triste et les activités à mettre en œuvre.
Ces découvertes
révèlent un formidable levier thérapeutique. L’homéostasie
émotionnelle des personnes dépressives est dysfonctionnelle ?
Soit ! Nous n’avons qu’à créer des thérapies leur
permettant d’entraîner et de développer les capacités cognitives
nécessaires à de telles régulations ! C’est ainsi que des
thérapies par planification des activités ont vu le jour. Elles
consistent à programmer un certain nombre d’activités
quotidiennes, en favorisant celles qui maximiseront l’humeur (on a
vu que leur effet restait identique même chez les patients
dépressifs) tout en évitant les activités délétères (ou tout du
moins leur accumulation). Ces nouvelles thérapeutiques pourraient se
combiner avec l’intelligence artificielle : on peut imaginer
une application capable d’évaluer l’homéostasie émotionnelle
et de proposer à l’utilisateur des activités adaptées pour
maximiser son bien être !
La mesure de
l’homéostasie émotionnelle pourrait aussi être réalisée en
pratique courante pour aider au diagnostic de dépression et pour
évaluer l’efficacité des prises en charge.
En cette période de
déconfinement, toutes ces données nous sont précieuses. Les deux
mois qui viennent de passer ont été éprouvant pour beaucoup, et on
le comprend bien à partir de nos graphiques : avec une
limitation des activités bénéfiques et une restriction à des
activités toxiques, notre moral ne pouvait que diminuer !
Maintenant que les règles s’assouplissent, il est temps de tirer
des leçons et de prendre de bonnes habitudes : privilégier les
activités qui nous apportent du bonheur, savoir mieux percevoir,
comprendre et analyser nos émotions, et surtout retenir ceci :
nous ne sommes pas impuissant et soumis à nos émotions. Nous avons
les capacités cognitives pour les contrôler et nous sommes capables
de mettre en place des stratégies pour maximiser notre bonheur !
SOURCES :
-
[1] : Gross,
James J. "Emotion regulation: Current status and future
prospects." Psychological
Inquiry 26.1
(2015): 1-26.
-
[2] : Taquet,
Maxime, et al. "Hedonism and the choice of everyday
activities." Proceedings
of the national Academy of Sciences 113.35
(2016): 9769-9773.
-
[3] : Taquet,
Maxime, et al. "Mood Homeostasis, Low Mood, and History of
Depression in 2 Large Population Samples." JAMA
psychiatry (2020).
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