Hikikomori, ou le confinement permanent
Dans les années 70, un trouble étrange fut décrit au Japon.
Certains jeunes adultes, ou même adolescents, semblaient se
renfermer inextricablement sur eux même, se retirer de la société
à leur domicile, sans aucune interaction avec le monde extérieur.
Appelés Hikikomori dans les années 80 (littéralement :
« revenir vers l’intérieur »), et démocratisés par
le psychologue Tamaki Saito dans un livre en 1998, on en recense
actuellement dans tous les pays du globe.
Comment expliquer ce
repli social ? Existe-t-il en tant qu’entité clinique
autonome, ou est-il un syndrome trans-diagnostique ? L’origine
du trouble est-elle sociale, biologique, ou culturelle ?
C’est en 1978
qu’un psychiatre japonnais, Yomishi Kasahara, décrit pour la
première fois un retrait social extrêmement profond chez de jeunes
adultes, qu’il nomme « névrose de retrait ».
Cependant, ce retrait au domicile existerait depuis bien plus
longtemps : dès les années 50, on retrouve des descriptions
d’étudiants restant cloîtrés plusieurs mois chez eux. Le terme
« Hikikomori » est utilisé pour la première fois en
1986 pour décrire ce phénomène. Un petit peu plus tard, une
anthropologue québecoise, Margaret Lock, décrit un « syndrome
de refus scolaire » proche de ce que décrivait Kasahara [1].
On devine déjà la grande complexité du Hikikomori. Décrit par un
psychiatre, mais classifié par le Ministère de l’éducation
japonnais, puis étudié par une anthropologue avant d’être
popularisé à nouveau par un psychiatre. On ne sait, au final,
quelle est la nature de cette entité : appartient-elle au
champs de la psychiatrie, de la sociologie, de l’anthropologie, où
est-elle au carrefour de toutes ces disciplines ?
Margaret Lock nous
livre une description et une analyse détaillées de ce phénomène
dans son étude de 1986 [1]. Elle y voit une forme de résistance de
l’individu en réponse aux attentes de la société japonaise
moderne, en pleine mutation à ce moment là. Il existe alors une
confrontation importante entre les valeurs traditionnelles
confucéennes et l’ouverture du pays au capitalisme.
Malheureusement, ces premiers travaux ne seront que peu repris dans
la décennie suivante. Il faudra attendre 1998 et le best-steller du
psychiatre Tamaki Saito pour que le Hikikomori soit véritablement
connu du grand public. Mais l’intérêt médiatique et sa
démocratisation repose aussi sur plusieurs cas de crimes violents,
qui ont suscité l’émoi publique au début des années 2000. Les
Hikikomori sont-ils plus nombreux ou leur visibilité est elle
artificiellement augmentée par l’intérêt médiatique ?
Il faudra attendre
encore plusieurs années supplémentaires pour que le terme soit
traduit en « syndrome de repli social sévère » et
qu’une activité de recherche, en sociologie et en psychiatrie, se développe réellement. Aujourd’hui, le terme se démocratise et
une recherche clinique s’intensifie à travers le globe, où de
multiples cas sont décrit loin de sa terre d’origine.
Qu’est ce que le Hikikomori ?
Le Hikikomori (qui
désigne à la fois le trouble et le malade) est aujourd’hui
précisément définit par le Ministère de la Santé japonais. Il se
caractérise par un retrait au domicile pendant au moins 6 mois, sans
aucun intérêt pour le monde scolaire ou professionnel, avec un
environnement amical très restreint. Cette situation doit avoir un
fort retentissement sur le fonctionnement de l’individu (c’est ce
dernier critère qui fait rentrer le Hikikomori dans le champs de la
psychiatrie). Ce retentissement peut être à l’origine d’un
soulagement en début de trouble, lié à la satisfaction de pouvoir
maîtriser son environnement social à sa guise. Ce soulagement
laisse cependant progressivement place à une détresse
psychologique, conséquence du profond sentiment de solitude. Ces
individus, contrairement à ce que l’on pourrait croire, sont
capables de sortir du domicile (le plus souvent dans la nuit ou tôt
le matin, pour éviter les contacts sociaux). La fréquence de ces
sorties permet d’estimer la sévérité du trouble. De plus, ces
personnes n’évitent pas volontairement tous contacts sociaux, même
s’ils cherchent à les limiter ou les contrôler (notamment via
internet) [2].
L’estimation de la
prévalence du Hakikomori dans la population est extrêmement
difficile car par définition, ces individus ne viennent pas
consulter par eux même. C’est bien souvent leurs proches (et en
premier lieu leurs parents) qui permettent un contact avec des
professionnels de santé et donc leur recensement. On estime tout de
même qu’un million de japonais pourraient être concernés. Le
portrait-robot du malade identifierai un jeune homme provenant de la
classe moyenne, âgé de 20 à 27 ans mais dont les troubles auraient
débutés dès l’adolescence. Encore une fois, il est difficile de
dresser une image fiable et homogène du Hikikomori. Si la
prédominance masculine est bien décrite, certains auteurs notent
tout de même qu’un repli au domicile des femmes a moins de chance
d’être rapporté, étant donné la place de celles-ci au sein de
la société japonaise (une femme recluse au domicile alerte moins
les proches). Le Hikikomori semble toucher toutes les classes
sociales, des classes moyennes aux classes aisées. On le retrouve
souvent chez les étudiants à l’université.
Le Hikikomori peut
avoir des conséquences importantes sur la santé, psychique mais
aussi physique. Le patients souffrant de ce trouble au long court
(définit par certains chercheurs comme plus de 15 ans) sont à
risque de souffrir de carences nutritionnelles, voir même de
troubles de la parole et de la voix.
L’œil d’un
psychiatre occidental pourrait voir plusieurs diagnostics dans le
Hikikomori. La relation du patient avec le reste de la société
pourrait faire évoquer une phobie sociale, même si elle se
distingue du Hikikomori par le fait que l’anxiété survient par
crainte du jugement négatif d’autrui dans une situation où le
patient est observé. On pourrait aussi évoquer l’agoraphobie, qui
se caractérise par une peur de ne pas pouvoir s'échapper d'un lieu en cas de danger, et qui se distingue
donc elle aussi du Hikikomori. Le repli au domicile (ainsi que
l’apathie, la perte de l’envie ou de l’élan vital) peut se
voir dans la dépression ou dans la schizophrénie, et le caractère
stable dans le temps et son origine à la fin de l’adolescence
pourrait faire évoquer un trouble de la personnalité du type
évitante, voir schizoïde (mais il est difficile de savoir si ces
éléments de personnalité existent avant le début du retrait
social ou pas). Le retrait social du Hikikomori pourrait n’être
qu’une complication de ces troubles psychiatriques. On peut de plus
remarquer que la définition initiale du Hikikomori comportait un
sixième critère : il ne devait pas exister d’autre trouble
psychiatrique. Ainsi donc, le diagnostic ne pouvait être posé
qu’après avoir formellement éliminé les autres possibilités,
comme la schizophrénie ou la phobie sociale. Le Hikikomori était
donc reconnu comme une entité diagnostique à part. Cependant, ce
critère a été supprimé récemment par les psychiatres japonais.
Et cette suppression n’est pas sans conséquences sur la nature même
du Hikikomori, qui a désormais tendance à être vu, aux yeux de ces
psychiatres, comme une entité trans-diagnostique.
Mais il pourrait
aussi représenter un diagnostic distinct accompagné de comorbidités
psychiatriques. Une étude japonaise publiée en 2019 s’intéressant
aux caractéristiques des Hikikomori a montré une association
statistique entre le Hikikomori et le retrait social de façon
indépendante des comorbidités psychiatriques, suggérant une
existence autonome [3]. Cette distinction est encore sujette à débat
et il n’existe pas de données suffisamment solides qui nous
permette de trancher.
Dans une approche
intermédiaire, certains chercheurs ont distingué les Hikikomori
primaires, c’est-à-dire survenant en dehors de tout autre trouble
psychiatrique, des Hikikomori secondaires à de tels troubles [14].
Cette distinction peut être importante. On peut tout d’abord
supposer que la part socioculturelle a un poids plus important dans
la physiopathologie du Hikikomori primaire. Mais cette séparation peut aussi avoir un impact critique sur la prise en charge, avec une
guérison passant par le traitement du trouble psychiatrique
sous-jacent dans les Hikikomori secondaires. Sur le plan théorique,
on devine que ces deux entités correspondent probablement à des
troubles distincts, avec chacun sa propre physiopathologie. Les
patients souffrant de Hikikomori représentent un ensemble
hétérogène, tant dans leurs caractéristiques que dans la
physiopathologie de leur trouble. Parmi les Hikikomori secondaires,
les comorbidités anxieuses et dépressives semblent de meilleur
pronostic [13].
Les Hikikomoris
posent la question de l’équivalence entre les diagnostics
occidentaux qui prévalent aujourd’hui un peu partout dans le monde
(et en particulier dans le domaine de la recherche) et les entités
diagnostiques japonaises portant sur des individus d’une culture
différentes, et issues d’une approche clinique différente. Les
diagnostics américains (basés sur le DSM) sont-ils transposables
dans les autres cultures, où l’expression des troubles psychiques
peut être radicalement différente ? Est-il judicieux
d’homogénéiser les diagnostics psychiatriques à travers le
globe ? Une approche purement biologique des troubles, basée
sur des mécanismes physiopathologiques, tend à répondre par
l’affirmative. De plus, il est capital dans le monde de la
recherche de « parler le même langage » à travers le
monde. Autrement dit, qu’un psychiatre américain et japonais
évoquent le même phénomène lorsqu’ils parlent de dépression.
C’est la question
de l’inter-dépendance des troubles psychiatriques avec les
facteurs sociaux et culturels qui se pose ici. L’expression d’un
trouble psychiatrique est finement modelée par le contexte
socio-culturel auquel appartient l’individu, aboutissant à une
symptomatologie différente, pour un même trouble, à travers le
monde. Une dépression ne se manifestera pas de la même façon chez
un individu européen, africain ou asiatique. Est-ce utile de vouloir
à tout prix décrire un trouble japonnais à travers des critères
diagnostiques occidentaux ?
D’où vient le Hikikomori ?
On peut déterminer
les causes du Hikikomori selon deux grands axes : psychologique
et sociétal. Depuis près de 20 ans, les psychiatres japonais et
occidentaux tentent de déterminer l’origine de ce trouble. Une
approche psychanalytique le rapproche d’une histoire traumatique
dans l’enfance. Les théories de l’attachement avancent qu’un
fonctionnement familial défaillant dans l’enfance perturberait
l’acquisition de compétences sociales clés, qui aboutirait à une
susceptibilité au stress, des angoisses de séparation et des
phobies scolaires, et enfin la claustration pathologique chez
l’adolescent [4]. De plus, on retrouve bien souvent des antécédents
de harcèlement scolaire chez ces individus.
D’autres théories
mettent en avant le dysfonctionnement de la cellule familiale, avant
et pendant la claustration au domicile [5]. Une éducation
traditionnelle ne permettrait pas à l’enfant de s’adapter aux
nouvelles normes sociétales, brutalement remaniées au cours des
années 90. Le trouble Hikikomori serait favorisé par le
fonctionnement traditionnel familial japonais, dans lequel les
enfants peuvent être amenés à vivre longtemps au sein du domicile
familial, tout d’abord en tant que dépendant, puis comme aidant.
En effet, l’entre-aide est centrale dans le fonctionnement familial
japonnais, aussi bien des parents vers les jeunes enfants, que des
enfants vers les parents vieillissant. L’indépendance vis à vis
de ses parents n’a donc pas la place prédominante qu’elle a dans
le système de valeurs occidentales. D’autres études mettent en
évidence un lien entre des antécédents de maltraitance dans
l’enfance ou de troubles psychiatriques chez les parents.
Cependant, aucune donnée ne nous permet d’affirmer si ces
caractéristiques sont la cause ou la conséquence du Hikikomori. De
plus, cette hypothèse est rejetée par certaines études qui ne
trouvent pas d’association entre le fonctionnement familial et la
survenue d’un tel trouble (le comportement des proches serait en
revanche important pour la guérison du patient) [6]. Ces études
sont peu nombreuses et peu puissantes, la question familiale ne peut
donc être tranchées à partir des données actuelles.
D’autres analyses
d’origine psychanalytique interprètent le trouble comme une réaction
de défense de l’individu face à une société trop exigeante dans
un contexte de transition entre l’adolescence et l’âge adulte.
Le Hikikomori serait un moyen de rester dans un « non-temps »
correspondant à sa zone de confort [7].
Une autre origine de
mal-être psychologique, lit du Hikikomori, pourrait provenir du
système éducatif japonnais, caractérisé par une grand rigidité
et sévérité, aboutissant à une pression psychologique
significative sur les épaules des étudiants. Les écoles et
université japonaises se caractérisent en effet par des règles de
vie très strictes, et une sélection constante des étudiants.
Ce syndrome prend
place dans un contexte de médicalisation progressive des changements
dans les cycles de vie. Ces derniers commencent à être décrit, et
leurs déviances analysées dans un cadre médical et psychologique,
principalement par des occidentaux avec, encore une fois, une
confrontation à la société japonaise. Ces transitions de vie
semblent être des périodes particulièrement à risque de retrait
social. Des périodes de vulnérabilité, comme l’adolescence ou la
fin du cursus universitaire, se caractérisent par une vision floue
de son avenir et l’absence de but professionnel précis. Le
Hikikomori serait une forme de mise à distance d’un monde
inhospitalier. Ce phénomène serait exacerbé au Japon par le
système éducatif rigide, réputé pour ne pas accorder de seconde
chance, au contraire du système occidental qui serait plus
permissif.
Notes
pour trop tard, Orelsan
Enfin, on peut
comprendre le Hikikomori comme une conséquence des mutations
économiques subies par le Japon au cours des dernières décennies
[8]. Avant les années 1990, les japonais avaient l’assurance d’un
emploi stable une fois leurs études terminées. Les japonais
effectuaient la plus grande partie de leur carrière au sein de la
même entreprise, qu’ils intégraient au sortir de leur étude avec
l’appui de leurs professeurs. La récession économique qu’a
connu l’Asie dans les années 1990 a changé la donne, et
désormais, l’offre d’emploi a radicalement changé de nature.
Les emplois accessibles deviennent plus précaires, plus flexibles,
aboutissant à un sentiment d’insécurité et d’anxiété,
pouvant fragiliser l’individu alors même qu’ils apparaissent
lors des périodes de transitions de vie. Ces bouleversements
économiques retentissent sur la structure même de la société et
de la famille. Une société où l’individu, part d’une cellule
familiale et appartenant à une communauté laisse place à une
société basée sur l’individualisme où le sujet appartient à de
larges organisations et entreprises.
Tous ces éléments
pourraient être potentialisés par certains éléments de la culture
japonaise. Par exemple, la place prépondérante de l’honneur dans
la société peut être source d’une grande anxiété. Il faut
pouvoir agir de façon adaptée en fonction de son rang et de ses
interlocuteurs, tout écart pouvant être source de déshonneur. Le
respect de ses pairs est un but constant dans la société japonaise
avec comme conséquence une préoccupation constante du jugement des
autres [8].
La découverte et la
description du Hikikomori l’a fortement lié à la culture nippone.
Comme nous venons de le voir, psychiatres, sociologues et
anthropologues l’ont tous en partie relié à différentes
caractéristiques de la vie sociale, professionnelle et familiale du
Japon. Cependant, les descriptions de Hikikomori s’accumulent à
travers le monde [9]. Un grand nombre de facteurs de risque dont nous
avons parlé se retrouvent dans d’autres cultures, à des degrés
divers. Les dysfonctionnements familiaux, le harcèlement scolaire ou
les troubles des transitions de vie se retrouvent dans tous les pays
du globe. Mais ce n’est pas forcément le cas de tous les critères,
pouvant expliquer une prévalence plus élevée au Japon. Par
exemple, certains scientifiques expliquent cette prédominance
nippone par les différences de système scolaire. Ainsi, même si
ces différentes cultures sont soumises aux crises économiques et
aux manques de perspectives d’avenir, les étudiants occidentaux
trouvent un environnement universitaire plus sécure qu’au Japon.
Ils ont droit à une deuxième chance si jamais ils se trompent.
Quelle aide apporter au patient et à ses proches ?
En plus de décrire
et de tenter de comprendre l’origine du trouble, les psychiatres
ont aussi tenté d’élaborer une stratégie thérapeutique pour ces
individus par définition très hermétiques à toute psychothérapie
[10]. La prise en charge repose le plus souvent sur une thérapie à
plusieurs dimensions. Tout d’abord, une thérapie familiale semble
importante pour analyser et corriger les dysfonctionnements
familiaux, fréquents dans ce type de troubles. Cette approche admet
qu’un trouble psychiatrique peut provenir non pas uniquement du
dysfonctionnement psychique de l’individu, mais aussi de l’ensemble
de la famille avec laquelle il vit. Pour soigner le trouble, il faut
donc corriger les dysfonctionnements familiaux. Ce type d’approche
peut aussi s’intégrer dans une politique préventive dès la
petite enfance. Une thérapie du milieu ou cognitivo-comportementale,
centrées sur le sujet, peuvent aussi être bénéfiques. La
psychothérapie pourra éventuellement cibler un traumatisme
infantile si un tel antécédent existe dans l’histoire de vie du
patient. Enfin, un traitement médicamenteux (comme un
antidépresseur) pourra être mis en place si cela est nécessaire.
Il faut cependant faire attention au risque d’addiction
médicamenteuse, chez des patients particulièrement à risque. Chez
des individus par définition extrêmement réticents à consulter au
cabinet d’un psychiatre, le début de la prise en charge passe
souvent par des entretiens répétés avec les proches et par de
multiples visites au domicile du patient. C’est toute la difficulté
de la mise en place d’une psychothérapie, avec un psychothérapeute
qui n’a pas directement accès à son patient.
D’autres
stratégies thérapeutiques ont été développées par les
psychiatres. Certaines sont basées sur l’apprentissage par les
parents des comportements à adopter face à leur enfant. Si les
Hikikomori ne se déplacent pas jusqu’au psychiatre, on peut
espérer améliorer leur condition à travers les seules personnes
avec qui ils ont encore des contacts sociaux.
Ces prises en charge
semblent efficaces sur certains symptômes et sur la qualité de vie
des patients. Mais les améliorent-elles en traitant le Hikikomori en
soit, ou les comorbidités psychiatriques qui lui sont associées ?
L’absence de
preuves scientifiques solides appuyant cette prise en charge a permis
l’émergence de traitements alternatifs dangereux [11]. Ainsi, une
entreprise proposait une prise en charge intensive et violente des
jeunes reclus. Cette prise en charge a causé la mort d’un jeune
homme au cours des années 2000, dont le traitement avait consisté à
rester attaché à un poteau pendant plusieurs heures. D’autres
méthodes alternatives, plus bienveillantes, ont aussi vu le jour.
Elle n’en reste pas moins dangereuses. L’entreprise Next Start
proposait ainsi une prise en charge personnalisée des jeunes
Hikikomori, qui débutaient par des visites personnalisées au
domicile puis par une réinsertion sociale et professionnelle.
Cependant, le manque de formation du personnel aboutissait parfois à
un attachement beaucoup trop important des malades envers leur
tuteur, qui pouvait provoquer une violente réaction de rejet à la
fin de la thérapie et un rebond de retrait social et d’anxiété.
De façon plus
originale et anecdotique, certains psychiatres pensent que des jeux
tels que PokémonGo pourraient être de formidables leviers pour
briser la solitude des jeunes Hikikomori [12] !
Ainsi, on le voit
bien, le cas Hikikomori est source de plusieurs interrogations
fondamentales. Tout d’abord, il nous questionne sur la définition
d’un trouble psychiatrique, de son lien avec les facteurs sociétaux
et de son équivalence à travers le monde. Il nous démontre la
pluralité des interprétations d’un même phénomène, tant
psychologique que sociologique ou culturelle. A la fois considéré
comme le reflet d’une société malade, de normes culturelles
spécifiques ou d’un trouble psychologique, il dessine une
collaboration nécessaire entre spécialistes dans l’interprétation
des troubles psychiatriques ou psychologiques.
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