L'HOMME INCONSCIENT
Il y a une semaine est sorti le dernier Woody Allen,
« L’homme irrationnel », histoire d’un professeur de philosophie
blablabla…
Aujourd’hui je ne vais pas vous parler d’homme irrationnel,
mais plutôt d’homme inconscient. Et tenter de vous persuader de la puissance de
notre inconscient sur notre existence ! Alors autant prévenir tout de
suite, je ne partirais absolument pas dans des délires psychanalystes… Ce n’est
pas trop mon truc.
Les chercheurs en psychologie et en neurosciences ont, ces
dernières années, développé tout un arsenal d’expériences pour mettre à mal
l’inconscient et ainsi mieux faire émerger les propriétés de notre conscience
(une image en négatif, si vous voulez). Ces expériences ont été à l’origine de
profondes remises en cause de notre conception de la conscience et de
l’inconscient.
Prenons comme premier exemple… La lecture. Lorsque vous
lisez cet article, vous n’êtes pas obligé de vous interroger consciemment sur
l’agencement des lettres entre elles pour comprendre le sens d’un mot. Vous ne
vous dites pas consciemment : « V » suivi de « O »
suivi de « U » puis de « S » forment le mot « VOUS »,
pronom personnel de la 2ème personne du pluriel ! Pareil pour
l’articulation des mots entre eux pour comprendre le sens d’une phrase. Il y a donc une grande partie des processus
mentaux de la lecture qui se font de manière totalement inconsciente, sans que
l’on s’en rende compte. Ce qui représente des calculs extrêmement
complexes ! Seul le résultat de ces calculs accède à notre conscience pour
nous donner un sens global de ce que nous lisons.
Le premier phénomène dont je veux vous parler se nomme l’effet cocktail. Vous êtes en soirée et
vous discutez avec un ami. Votre cerveau est capable, dans le bouhaha ambiant,
de sélectionner uniquement la voix de votre ami, que vous pouvez donc entendre
distinctement. Quand tout à coup, vous vous retournez car vos voisins ont
prononcé votre prénom. Toutes les autres conversations autour de vous étaient
effacées : vous ne les entendiez pas, vous n’en étiez pas conscient. Et
portant, il a suffi que l’on prononce votre prénom pour que votre conscience
soit irrémédiablement détournée vers vos voisins. Il y a donc eu tout un
processus inconscient capable d’analyser le sens des mots (il a été capable de
détecter que c’était votre prénom qui avait été prononcé) et de le soumettre à
votre conscience ensuite.
Les processus inconscients sont donc diablement puissants. Mais
on peut, grâce à l’expérience, les tromper. Avant de vous en dire plus, je vous
laisse regarder avec la plus grande attention la vidéo suivante :
Quelle est la syllabe que vous entendez ?
Il s’avère que cette vidéo joue sur 3 syllabes très proches,
prononcée soit au font de la bouche (« ga »), au milieu
(« da ») ou au bout des lèvres (« ba »). Regardez bien
l’image de la vidéo : on lit sur les lèvres du sujet le son
« ga ». Ainsi, votre cerveau reçoit 2 informations
contradictoires : il voit « ga » et entend « ba ». Les
systèmes de traitement inconscients tentent au mieux de fournir l’observation
la plus probable. Mais il ne peut trancher, et coupe la poire en deux en
soumettant à la conscience un entre-deux (« da »). Ce phénomène est
appelé effet Mac Gurk du nom du
psychologue qui le décrivit dans les années 70.
Une autre expérience permet de berner nos processus
inconscients. Elle repose sur ce que l’on appelle la rivalité binoculaire. Vous l’aurez sans doute remarqué, il y a cette
espèce de protubérance dégoulinante (je dis ça parce que l’hiver arrive) entre
vos 2 yeux que l’on appelle nez, qui a pour conséquence directe un léger
espacement de vos yeux. Ainsi, chacun voit une image légèrement différente de
l’autre. Notre cerveau inconscient arrive à combiner ces 2 informations (très)
légèrement différentes, et c’est ce qui nous donne une vision
tridimensionnelle consciente. Que se passe-t-il si on pousse ce système dans
ses retranchements en soumettant, à chaque œil, une image radicalement
différente ? Wheatstone tenta l’expérience. Il découvrit alors que lorsqu’on
est soumis à 2 informations aussi contradictoires, notre vision devient
instable : nous voyons successivement l’une, puis l’autre image ! Cela
repose sur le même substrat que l’effet Mac Gurk : notre inconscient,
devant ces informations contradictoires, ne sait trancher. C’est du 50:50.
Alors cette fois-ci, il prend le parti de soumettre à la conscience une image
puis l’autre en alternance !
L’inconscient est
donc un formidable statisticien qui évalue en permanence ce que nous percevons,
et détermine l’interprétation la plus probable qu’il transfère vers notre
conscience. Ainsi, nous ne sommes pas conscients du monde qui nous entoure,
mais seulement de l’image que nous en donne notre inconscient.
Sources : "Le code de la conscience", Stanislas Dehaene" ; "Pourquoi les filles sont si bonnes en maths"