HITLER AVAIT-IL LA MALADIE DE PARKINSON ?


 
Dans la nuit du 13 au 14 octobre 1918, quelque part en Belgique, le 16ème régiment d’infanterie de l’armée allemande subit une attaque au gaz moutarde. L’un de ses soldats, Adolf Hitler, est gravement touché aux yeux et doit être hospitalisé. C’est durant son séjour à l’hôpital qu’il apprit l’abdication de l’Allemagne et la proclamation de la République allemande.
 
Anéanti par cette nouvelle, il s’engage rapidement au sein du NSDAP au sein duquel il deviendra un personnage important. L’échec du putch de 1923, son incarcération au cours de laquelle il rédigera Mein Kampf, puis son ascension au pouvoir en 1933 sont connus de tous.
 
En 1939 éclate la seconde guerre mondiale et rapidement, l’Allemagne nazie étend son influence à l’ensemble de l’Europe ou presque. Le Royaume-Uni de Churchill est alors seul à résister.
 
C’est en mai 1941 que les premiers troubles apparaissent. Les mouvements du dirigeant nazi semblent ralentis. Au cours de l’été, l’un de ses médecins, le docteur Morel, note un discret tremblement de la main gauche…
 
Ces symptômes s’aggravent au cours de l’année 1942 : le tremblement se propage à la jambe gauche et à la tête, et à la fin de l’année, au côté droit du corps. Sa posture se fléchit imperceptiblement.
 
En 1943, le même docteur Morel note une rigidité anormale de la jambe gauche. La posture du führer se voute de plus en plus. L’année suivante, l’attaché de presse de Goebbels rapporte :
 
« Il est devenu un homme vieilli. Il se mobilise avec lenteur et très voûté comme ployé par une lourde charge (…) Ses mains tremblaient, ce qu’il tentait- vainement- de dissimuler en les cachant dans ses poches »
Von Oven, 1944
 
En 1945, quelques mois avant sa mort, le tremblement est majeur, au repos, principalement au niveau du bras gauche. Les mouvements deviennent très difficiles à réaliser, le visage d’Hitler n’exprime peu ou prou d’émotion, et son écriture devient illisible. La marche est extrêmement pathologique, à petit bas, avec une perte du ballant du bras gauche.
 
Hitler souffre d’un syndrome parkinsonien.
 
Il se donna la mort le 29 avril 1945 alors que les troupes soviétiques entrent dans Berlin.
 
Cher lecteur/-trice, je vous propose une enquête diagnostique, sur les traces de la maladie de Parkinson d’Adolf Hitler.
 
Lorsqu’un médecin reçoit un patient dans son cabinet, son raisonnement est la plupart du temps stéréotypé. Dans un premier temps, il pose des questions et recueille les informations que le patient lui transmet. A partir de celles-ci, il établira un certain nombre d’hypothèses diagnostiques. Dès lors commence une véritable enquête. Il s’obstinera à chercher, à l’examen clinique, des preuves qui confortent ou au contraire qui contredisent ses théories, pour permettre de toutes les éliminer sauf une : le diagnostic final.
 
Si l’examen clinique se suffit pas, il prescrira alors prises de sang, radios ou scanner pour apporter les indices manquants. Cela n’est, la plupart du temps, pas nécessaire.
 
Pour y voir plus clair, le médecin va classer les symptômes qu’il va découvrir dans de grandes cases appelées syndromes qui, il est important de le noter, ne correspondent pas à la définition de maladie.
 
Une maladie correspond schématiquement à un ou plusieurs syndromes dont on connait la cause –on appelle alors cette cause l’étiologie de la maladie. Ainsi, une angine correspond à un syndrome inflammatoire (fièvre, anomalies sur la prise de sang…) secondaire à une infection (le plus souvent virale, donc pas d’antibiotiques !) des amygdales.
 
Si nous essayons de voir l’histoire médicale d’Adolf Hitler à travers les yeux d’un médecin, les symptômes qui s’offrent à nous correspondent à un syndrome parkinsonien.
 
En effet, ce dernier regroupe 3 grands symptômes dont le tremblement de repos, la lenteur de ses gestes voire leur absence complète (on parle d’akinésie) et la rigidité des membres.
 
Le tremblement est typiquement de repos, et cède à l’action. Les malades parkinsoniens donnent souvent l’impression d’émietter quelque chose avec leur main lorsque celle-ci est posée sur l’accoudoir d’un fauteuil.

Le tremblement parkinsonien survient au repos, en donnant l'impression que le patient émiette quelques chose.
L’akinésie, quant à elle, a des répercussions importante sur la marche, qui se fait à petit pas, et sur les expressions du visage qui se fige progressivement –on parle d’amimie.
Marche typique d'un patient avec maladie de Parkinson. Elle s'effectue à petits
pas, et nous pouvons bien distinguer la posture voutée caractéristique.
Notez le tremblement des 2 mains.
Le syndrome parkinsonien d’Hitler apparait ici clairement. Mais d’où provient-il ?
 
Car un syndrome parkinsonien n’a pas pour seule origine une maladie de Parkinson ! Nous devons donc continuer à chercher de nouvelles pistes pour en déterminer la cause.
 
L’un des principaux indices évoquant la maladie de Parkinson chez Hitler réside dans l’asymétrie de son tremblement, qui a débuté du côté gauche et qui a toujours été par la suite plus important de ce côté-là. Il a été noté que celui-ci s’accentuait lors de ses discours et en effet, il est connu que le tremblement parkinsonien est majoré lors d’un effort physique ou intellectuel. C’est pour cela qu’à l’hôpital, nous posons parfois de petits problème de calcul mental au patient –pour démasquer ces signes.
 
De plus, un certain nombre de symptômes non-moteurs rentrent dans le cadre de la maladie de Parkinson, certains signes pouvant précéder de 20 ans l’apparition de la maladie. Il s’agit en particulier de la perte de l’odorat et des troubles du comportement lors des phases de sommeil paradoxal. Ce dernier symptôme est particulièrement spectaculaire car le patient se met à vivre ses rêves dans son lit : on peut voir le patient allongé sous sa couette en train de monter une échelle imaginaire, ou fumer une cigarette qui n’existe que dans ses rêves… Il était connu que Hitler souffrait de problème de sommeil mais personne n’en a jamais su quelle en était la nature… Nous ne pouvons donc pas nous appuyer sur cet argument, ni sur la perte d’odorat dont on n’a aucune trace chez le dirigeant nazi.
 
De nos jours, le grand indice évoquant la maladie de Parkinson est aussi la résolution des symptômes lorsque le patient en reçoit le traitement spécifique : la dopamine. Il s’agit ici d’un véritable test thérapeutique : si le patient s’améliore avec le traitement, c’est donc qu’il doit être atteint de la maladie correspondante. Cependant, la dopamine ne fut utilisée pour la première fois qu’en 1967 comme traitement de la maladie de Parkinson, bien après donc la mort d’Hitler.
 
Nous avons donc des arguments pouvant nous faire évoquer ici la maladie de Parkinson. Cependant, nous n’avons pour le moment pas été capable d’écarter les autres hypothèses formulées dans le cerveau du clinicien. Penchons-nous désormais sur ces diagnostics que l’on qualifie de différentiels.
 
L’un de ces diagnostics différentiels est par exemple la maladie de Wilson, d’origine génétique et qui provoque une intoxication au cuivre. En plus du syndrome parkinsonien, cette accumulation de cuivre a un retentissement hépatique important. Aucune affection de la sorte n’est connue chez Adolf Hitler, et il est d’autant plus improbable qu’il en ait souffert que la maladie se déclenche la plupart du temps avant 15 ans de vie.
L'hypothèse de Wilson tombe à l'eau...
Mais s’il faut prendre en compte les diagnostics différentiels de la médecine actuelle, il ne faut pas oublier que notre malade a vécu il y a plus de 70 ans et qu’il existait à l’époque d’autres maladies, aujourd’hui disparues ou très rares, à l’origine d’un syndrome parkinsonien.
 
En particulier, il faut prendre en considération l’hypothèse infectieuse, qui pouvait engendrer à l’époque des troubles neurologiques bien plus souvent qu’ aujourd’hui. Certains auteurs suspectent une encéphalite, c’est-à-dire une infection du tissu cérébral, qui aurait pour origine une rubéole dans son enfance, une séquelle de la première guerre mondiale ou un voyage en Ukraine en 1942. Cependant, aucune donnée ne permet d’affirmer une infection cérébrale dans l’enfance d’Hitler, ni de statuer sur son état neurologique au décours de la première guerre mondiale. Enfin, l’hypothèse d’une contamination en Ukraine ne repose que sur l’hypothèse émise alors par le docteur Morel, qui est comme nous le verrons plus tard, un incompétent notable.
 
Une origine syphilitique a elle aussi été avancée. Hitler aurait contacté cette maladie sexuellement transmissible dans un bordel viennois lors de son séjour au début des années 1920. Cependant, cette théorie est peu probable compte tenu du manque de preuve historique et de l’aversion connue d’Hitler pour la prostitution.
 
Enfin, l’une des grandes causes de nos jours de syndrome parkinsonien (mise à part la maladie de Parkinson) représente… les médicaments eux-mêmes. Il existe certains traitements, en particulier les neuroleptiques, dont les effets indésirables connus sont précisément un syndrome parkinsonien. Cette hypothèse est d’autant plus plausible chez Hitler lorsque l’on sait que son médecin attitré le noya littéralement sous ses traitements expérimentaux, dont la plupart n’avait même pas été testés chez l’animal avant. Il est tout à fait probable qu’une de ces substances ait causé l’apparition d’un syndrome parkinsonien. De plus, on sait que le docteur Morel administra durant plusieurs années de la méthamphétamine à son patient… Qui multiplie par 3 le risque de développer une maladie de Parkinson.
 
Ainsi donc, nous avons à présent réunis un faisceau d’arguments nous permettant de ne retenir que 2 hypothèses diagnostiques expliquant le syndrome parkinsonien de Hitler : une origine médicamenteuse et une maladie de Parkinson. Si le tableau clinique est très évocateur de la maladie de Parkinson, nous ne pouvons pas écarter une origine médicamenteuse au syndrome parkinsonien. Si l'on applique à Hitler les critères diagnostiques d'aujourd'hui, nous ne pouvons pas affirmer qu'il était atteint d'une maladie de Parkinson. En l’absence de données historiques plus poussées sur les substances prescrites par la docteur Morel et sur l’état de santé du dirigeant nazi, il est difficile de trancher !
 
Même encore de nos jours, le diagnostic de la maladie de Parkinson est uniquement clinique sauf dans de rares cas de symptômes atypiques. Pas de scanner ou d’IRM pour affirmer la maladie : la simple analyse des signes cliniques par le médecin suffi !
 
Cela nous montre bien la puissance d’un bon examen clinique, qui le plus souvent rend caduque la prescription d’examens complémentaires. Ainsi, si un médecin ne prescrit pas le scanner que son patient lui réclame fébrilement, ce n’est pas par pur esprit de contradiction mais uniquement parce que son examen clinique rend ce scanner inutile. Le plus souvent, un bon clinicien est un bon ami de la Sécurité Sociale !
 

   

 

SOURCES :
- Gupta R, Kim C, Agarwal N, Lieber B, Monaco III EA, Understanding the Influence of Parkinson’s Disease on Adolf Hitler’s Decision-Making during World War II, World Neurosurgery (2015), doi: 10.1016/j.wneu.2015.06.014.
- http://www.atlantico.fr/decryptage/hitler-ronge-maladie-jean-lopez-2044185.html/page/0/1