POURQUOI LES PERSONNES TRISOMIQUES ONT-ELLES PLUS DE RISQUE D’AVOIR UNE MALADIE D’ALZHEIMER ?
On a tous déjà entendu parler de la trisomie 21 (et
d’Alzheimer aussi). Cette maladie due à la duplication d’un chromosome 21
aboutissant à 3 chromosomes 21 dans le génome au lieu de deux. Cela touche tout
de même près d’une naissance sur 2000 (sachant qu’il y a environ 800 000
naissances par an en France), bien que ce chiffre soit en baisse constante
grâce au dépistage prénatal.
Les symptômes de la maladie sont essentiellement une
dysmorphie faciale, une hyperlaxité des articulations et un retard mental le
plus souvent léger : cela n’empêche pas les malades d’être relativement
autonome (pensez à Pascal Duchesne qui a longtemps été acteur).
Au-delà de ces symptômes, ces personnes sont plus à risque
que les autres de malformations cardiaques ou digestives, de développer une
cataracte, une leucémie ou de devenir épileptique. Et de développer très tôt
une maladie d’Alzheimer.
On commence à parler de cerveau !
Tout le monde connait la maladie d’Alzheimer, qui touche aujourd’hui plus de 900 000 personnes et qui en touchera plus de 1,3
millions en 2020. Elle a été décrite à la fin du 20ème siècle par
Aloïs Alzheimer, un neuropathologiste allemand.
Elle se caractérise, en tout cas au début de la maladie, par
des troubles de mémoire regroupés dans le « syndrome d’amnésie
hippocampique ». En d’autres termes, l’hippocampe est touché et le malade
ne peut plus (ou très difficilement) acquérir de souvenirs.
Les lésions que l’on peut observer dans le cerveau sont des plaques séniles, résultat d’une
accumulation du peptide (protéine) Aβ autour des neurones, et la dégénérescence neuro-fibrillaire, due à
l’accumulation d’une autre protéine, Tau, à l’intérieur des neurones. C’est
cette protéine Tau, modifiée et présente en trop grande quantité, qui est responsable des symptômes. Elle
entraîne la mort progressive des neurones où elle s’accumule.
La progression de ces lésions se fait de manière progressive et irréversible.
Elles sont initialement présentes dans les hippocampes, entraînant les troubles
mnésiques, et progressent ensuite vers les aires dites associatives
(responsables des traitements élaborés des informations) et enfin les aires
primaires (celles qui reçoivent les informations provenant de nos organes des
sens).
Ainsi, l’atteinte de la mémoire n’est malheureusement que la
première étape de la maladie, qui touche ensuite progressivement l’ensemble des
facultés mentales du malade. Assez vite, les fonctions exécutives vont être
perturbées, entraînant perte d’autonomie, confusion et gestes impulsifs ou
maladroits… Comme on peut l’imaginer, le malade sera facilement désorienté dans
le temps et dans l’espace (et demandera donc très souvent la date ou l’heure).
Il existe certains polymorphismes (c’est-à-dire les allèles
de certains gènes) qui augmentent le risque de développer la maladie, comme par
exemple au niveau du gène de la protéine apoE, un transporteur de lipides (graisse) dans le sang.
Ne vous inquiétez pas, être porteur de ce polymorphisme ne signifie pas qu’une maladie d’Alzheimer est
inévitable ! A titre de comparaison, ce sur-risque reste de la gnognotte
par rapport au fumeur et son cancer du poumon.
Au-delà de ce polymorphisme, la maladie d’Alzheimer peut
aussi être une maladie génétique (ici, la mutation d'un gène entraîne la maladie, on ne parle pas de risque). Etrangement, bien que ce soit la protéine Tau
qui soit responsable des symptômes, toutes les formes génétiques de la maladie d'Alzheimer impliquent la protéine Aβ.
D’où vient cette protéine Aβ ?
La protéine Aβ qui s’accumule en dehors du neurone provient du clivage d’une protéine ancrée à la surface de celui-ci : APP (pour Amyloïde Precursor Peptide, les chercheurs ne se sont pas foulés). Cette protéine est présente de manière tout à fait normale à la surface de nos neurones, au niveau des synapses (c’est-à-dire les connexions entre les neurones). Sous l’action de 2 enzymes, cette protéine APP est anormalement clivée (découpée). Un des produits de cette dégradation est la protéine Aβ qui, libérée en dehors du neurone, s’accumule et s’agrège pour former les plaques séniles. On suspecte d’ailleurs que l’accumulation de cette protéine soit en plus responsable d’une destruction des synapses.
C’est bien tout ça,
mais pourquoi les personnes trisomiques ont plus de risques de développer une maladie
d’Alzheimer ?
La raison est toute simple : le gène de l’APP se trouve
sur le chromosome 21 ! Ainsi, chez les personnes trisomiques, ce gène est
présent en 3 exemplaires. Il en résulte une production accrue de protéine APP,
présente en plus grand nombre à la surface des neurones, et donc un risque plus
élevé d’accumulation de protéine Aβ dans leur cerveau.
Ainsi, on retrouve les lésions typiques de la maladie
(dégénérescence neuro-fibrillaire et plaques séniles) dans le cerveau de
personnes trisomiques dès 30 ans.
Un dernier mot à propos de ces 2 lésions typiques de la
maladie d’Alzheimer, pour dire à quel point nous sommes encore loin de tout
comprendre… Les plaques séniles et la dégénérescence neuro-fibrillaire peuvent
tout à fait être présentes dans le cerveau sans pour autant que son
propriétaire soit malade. Ainsi, on en retrouve chez quasiment tous les
centenaires. De plus, ces lésions apparaissent très tôt chez la majorité
d’entre nous : 50% des individus ont une dégénérescence neuro-fibrillaire
à 50 ans…
N’hésitez pas à commenter l’article et à liker la page Facebook pour être au courant des dernières publications !
Sources :
- Medline Neurologie
- http://lecerveau.mcgill.ca/flash/a/a_08/a_08_m/a_08_m_alz/a_08_m_alz.html
- http://www.inserm.fr/thematiques/neurosciences-sciences-cognitives-neurologie-psychiatrie/dossiers-d-information/alzheimer
- Medline Neurologie
- http://lecerveau.mcgill.ca/flash/a/a_08/a_08_m/a_08_m_alz/a_08_m_alz.html
- http://www.inserm.fr/thematiques/neurosciences-sciences-cognitives-neurologie-psychiatrie/dossiers-d-information/alzheimer